Nawal El Saadawi : la perle insoumise de l’Égypte

Éditorial de mars 2021

Nawal El Saadawi n’est plus et les hommages sont malheureusement discrets. Des remerciements immenses seraient pourtant bienvenus pour une écrivaine qui a fait de sa vie un marathon éreintant pour l’émancipation des femmes et la démocratie. Où cette femme d’exception puisait-elle cette énergie illimitée pour la Liberté ? Sans nul doute dans l’observation fine des injustices, des souffrances et des destins ensevelis par l’obscurantisme.

Elle croyait en l’amour, en la bonté, en la capacité de l’Égypte d’avancer sur un chemin de lumière et de lutter contre les nappes de ténèbres dont les islamistes voulaient recouvrir les cœurs et les âmes. Plus que tout, elle croyait en la Liberté. Cette denrée dont chaque miette obtenue contribue à la survie des affamés de la terre. Comme Paul Éluard, l’écrivaine Nawal El Saadawi l’écrivait « sur les images dorées, sur les armes des guerriers, sur la couronne des rois ». D’un coup de stylo puissant et sans peur, elle l’écrivait « sur la santé revenue, sur le risque disparu, sur l’espoir sans souvenir ». Très tôt, l’intéressée cultive le terreau de la révolte. Son premier traumatisme intervient brutalement dans sa vie alors qu’elle n’a que quatre ans. À cet âge où l’enfant manie avec maladresse les mots, miroirs d’un moi encore flageolant, Nawal El Saadawi est excisée sur ordre de sa mère. Elle vient alors tristement grossir les rangs des femmes égyptiennes qui sont plus de 90 % à subir cette torture. Trancher net la chair et étouffer le cœur gonflé d’espoir d’un jeune être encore vert, autant de crimes qui constitueront les leitmotiv de la rage qui l’animera toute sa vie. Mieux, cette pulsion de vie et ce refus de céder un pouce de terrain à ceux qui veulent bâillonner la moitié de l’humanité la pousseront à devenir médecin. Elle fera de ce cauchemar précoce une source de lutte constante dont la source ne se tarira jamais. Elle mise alors sur ce mince filet de protection qui sous-tend les rêves et combats de l’humanité : l’Espoir. L’Espoir de bouleverser un pays qui tangue entre les aspirations démocratiques et les reflux omniprésents de la dictature et les pesanteurs persistantes de l’intégrisme.

Placer l’Espoir « sur les ruines de demain, reconstruire aujourd’hui » , aurait dit Paul Valet. Pour sa part, la féministe entend matérialiser cette espérance par des écrits et surtout les partager le plus possible avec les femmes. Dès 1958, elle évoque le…

La suite est à lire sur: voixdelhexagone.com
Auteur: Ella Micheletti