Noblesse des perdants, vilénie des winners

Entre octobre et décembre 2017, Arno Bertina a interrogé quinze salariés de l’entreprise GM&S, sise à La Souterraine, puis il est resté quatre ans durant en contact avec un certain nombre d’entre eux, en les accompagnant autant que possible dans leur lutte collective contre des repreneurs-vampires qui, avec l’aide de l’Etat et des grands groupes industriels, ont pompé de l’argent public pendant une décennie avant d’abandonner la plus grande partie des travailleurs-travailleuses là où pourtant Bruno Le Maire avait juré que personne ne se retrouverait : le « bord du chemin ».

Conformément à la poussive magie de la promesse macronienne, cette formule voulait imposer l’idée d’une voie à suivre, une route inévitable et nécessaire sur laquelle, toutes les bonnes volontés s’alliant et les principaux intéressés faisant preuve d’efforts et de courage, on aboutirait là où l’Economie et la vie seraient enfin réconciliées, et c’en serait fini de l’angoisse majeure de notre temps, cet artefact qui n’a pourtant rien à voir avec la vraie vie : la perte de l’emploi.

La réalité est toute autre, on le sait : des repreneurs successifs ont pris l’oseille de l’Etat, certains se sont abstenus de payer l’Urssaf, d’autres ont imaginé de se louer à eux-mêmes leurs propres locaux en séparant leurs sociétés en deux entités pour mieux ponctionner les actifs de l’entreprise, tous ont présenté les diminutions des effectifs comme un préalable nécessaire à la relance d’investissements qui ne sont jamais venus, l’Etat ne leur a jamais demandé le moindre compte sur l’usage des sommes énormes qu’il leur a versées, et au final tous se sont gavés, aux dépens de salariés baladés d’un plan de sauvegarde à l’autre.

En quinze ans, ceux que l’auteur appelle les « ex-GM&S » ont connu bien des noms et des sigles puisqu’avant ces deux lettres séparées d’une troisième par une esperluette, leur site a changé dix fois de nom : d’un propriétaire à l’autre, l’entreprise s’est appelée successivement Socomec, Sepesa, Euramec, SER, Aries, puis avec l’arrivée des fonds de pension, Wagon Automotive, puis Sonas, Haldberg, Altia, Transatlantic Industries… après, il y eut donc GM&S, et puis GMD et maintenant l’usine s’appelle LSI. Déjà largement amaigris, les effectifs passent en 2009 de 360 à 314 salariés, à 274 en 2014, à 120 en 2017…, les « ex » ont multiplié grèves, manifs, menaces de faire sauter l’usine, blocage d’établissements…

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Auteur: lundimatin