Noésie

Après son Histoire du bleu et Le corps, la carte et le geste, Tahar Kessi nous propose un regard acéré et délicat au coeur de l’Algérie, de ses émeutes et de ses cafés.

« Ici, l’ethos général est domicilié dans un seul mot : NON ! »

« N’a-t-on pas alors constaté que les gens revenaient muets du champ de bataille ? Non pas plus riches, mais plus pauvres en expérience communicable. […] jamais expériences acquises n’ont été aussi radicalement démenties que l’expérience stratégique par la guerre de position, l’expérience économique par l’inflation, l’expérience corporelle par l’épreuve de la faim, l’expérience morale par les manœuvres des gouvernants. Une génération qui était encore allée à l’école en tramway hippomobile se retrouvait à découvert dans un paysage où plus rien n’était reconnaissable, hormis les nuages et, au milieu dans un champ de force traversé de tensions et d’explosions destructrices, le minuscule et fragile corps humain […] l’effroyable méli-mélo des styles et des conceptions du monde qui régnait au siècle dernier nous l’a trop clairement montré pour que nous ne tenions pas pour honorable de confesser notre pauvreté. Avouons-le : cette pauvreté ne porte pas seulement sur nos expériences privées, mais aussi sur les expériences de l’humanité tout entière […] Car à quoi sa pauvreté en expérience amène-t-elle le barbare ? Elle l’amène à recommencer au début, à reprendre à zéro, à se débrouiller avec peu, à construire avec presque rien, sans tourner la tête de droite ni de gauche […] des possibilités radicalement nouvelles, fondées sur le discernement et le renoncement. Dans leurs bâtiments, leurs tableaux et leurs récits, l’humanité s’apprête à survivre, s’il le faut, à la civilisation. Et surtout, elle le fait en riant. Ce rire peut parfois sembler barbare ».

Walter Benjamin, Expérience et pauvreté

« Comment se départir de la fatigue ? / Amek ar aɣ-ibru facal

Comment faire face à demain ? / Amek ara n-qabel azekka

Si les vents de l’histoire nous courbent / Ma nkna iw hubbu n temsal

L’ennemi ne nous ratera pas. / Aɛdaw ur ɣ-izgal ara ».

[Lounès Matoub, extrait de Taɛkwemt n tagrawla (le Fardeau de l’insurrection)

Quand il n’y a plus rien à défaire, que tout le monde essaye encore de sauver les meubles, il faut y mettre le feu. Le feu ! Car, dans le feu, se mêlent ton regard et tout ce qui se transforme en brûlant. Le feu mélange sensation et matérialité pour inventer…

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Auteur: lundimatin