En général, je ne vais pas voir les films de femmes, œuvres le plus souvent mièvres et médiocres, dont on fait la promotion en guise d’arme de guerre soft contre les pays qui sont censés ne pas donner la même place que nous aux femmes, et qui se trouvent être ceux qui résistent à l’impérialisme étasunien et ses horreurs. Ras le bol des films vus par des yeux de petites filles, avec leurs femmes qui veulent s’émanciper, leur » sororitude « , leurs récriminations contre les hommes qui ne font pas la vaisselle, et j’en passe. Mais j’aurais eu bien tort de ne pas aller voir Alcarràs (le titre français, Nos soleils, ne rend absolument pas justice au contenu du film).
En effet, Carla Simón réunit le meilleur des qualités féminines et des qualités viriles (je sais que j’aurais dû mettre plein de guillemets, mais j’en ai assez de la camisole de force du politiquement correct) : Alcarràs est une chronique pleine de tendresse, mais enracinée dans un contexte socio-économique qui lui donne une valeur universelle.
Le film fait vivre sous nos yeux une famille de la province de Lleida, la province occidentale de la Catalogne, qui est aussi la plus agricole, spécialisée dans la production fruitière, poires et pêches. La ferme des Solé réunit trois générations, les grands-parents, le fils, l’hereu en catalan (traditionnellement, c’est le fils aîné qui hérite de la ferme et des propriétés, à charge pour lui de s’occuper de ses frères et sœurs ; c’est ce qu’Emmanuel Todd appelle la famille-souche), la belle-fille, entourée de ses sœurs et leur famille, et ses trois enfants. Carla Simón fait alterner le point de vue de tous les personnages, l’humiliation du grand-père (toujours appelé Padrí, parrain, par ses petits-enfants, parce que dans le nord et l’ouest de la Catalogne, la tradition veut que les parrains soient les grands-parents), qui a reçu l’exploitation à la suite d’une entente orale, sans contrat écrit, ce qui va permettre de confisquer les terres familiales ; la colère du père, dont le travail va être réduit à néant et qui ne pourra rien transmettre, la maturité précoce du fils, qui travaille, comme son père, d’arrache-pied, tout en sachant que ce travail est vain, et malgré son envie de s’amuser comme tous les adolescents de son âge, la patience et la force, malgré la lassitude, de la mère, qui doit organiser la vie pratique de tout son monde, et subir les humeurs et les lubies des uns et des autres, l’insouciance des enfants qui découvrent la vie à…
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Auteur: Rosa LLORENS Le grand soir