Si la société du spectacle – et la société tout court, plus généralement – ont fait beaucoup de mal à Sinéad O’Connor, il paraît évident, quand on lit ses formidables mémoires sobrement intitulées Rememberings, et plus encore quand on écoute son oeuvre immense, que le spectacle, la scène, la musique, lui ont plutôt sauvé la vie. Morte beaucoup trop tôt le 26 juillet dernier, à tout juste cinquante-six ans, elle aurait peut-être été fauchée plus tôt encore sans cette passion pour la musique et le chant – ou plutôt écrasée, étouffée, épuisée par la brutalité des mondes sociaux : celui du travail, celui de la famille, celui de la patrie. Qui chante son mal l’enchante, dit un vieux proverbe provençal, et peu d’artistes pop, rock, folk ou soul contemporains – et Sinéad aura été tout cela, parmi bien d’autres choses – l’ont illustré avec autant d’évidence. Comme son pote Terry Hall, parti prématurément lui aussi, avec qui elle interpréta un céleste All Kinds Of Everything, Sinéad O’Connor a aimé passionnément la musique, toutes les musiques ou quasi. Comme Terry elle les a toutes écoutées puis chantées, avec une absence absolue (et sacrément bienfaisante) d’intérêt pour les « chapelles » et la « crédibilité » : rock, punk-rock, rap, reggae, dub, soul, gospel, country, world-music, torch song haut de gamme, ritournelle d’Eurovision… Hypersensible à la grâce des mélodies et des voix, d’où qu’elles viennent, comme elle le fut à la violence et à l’injustice du monde, d’où qu’elles viennent aussi, c’est en véritable boulimique – toujours avec le même grand sérieux, la même profonde ferveur, la même extrême dévotion – qu’elle s’est jetée sur chacune de ces traditions pour en faire vivre ou revivre la beauté spécifique. Comme si chacun de ces airs chantés étaient l’air respiré, comme si sa propre survie en dépendait.
Un livre entier…
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Auteur: Pierre Tevanian