Notre ADN détermine-t-il vraiment notre intelligence et nos risques de maladies ?

Les auteurs d’un article récemment publié dans la revue scientifique Nature Genetics s’inquiètent de l’impact sociétal des avancées de la génomique (l’étude des génomes, autrement dit, du matériel génétique d’un individu ou d’une espèce). Ils évoquent les visions, à leurs yeux prémonitoires, du film Bienvenue à Gattaca : la possibilité de lire dans notre ADN nos capacités physiques et intellectuelles et, même, de pouvoir concevoir in vitro des enfants quasi parfaits, exempts de maladie future.

Grâce aux progrès réalisés dans le domaine de la génomique, la réalité a en effet rattrapé la fiction. Il est désormais possible d’analyser l’entièreté du génome, à la recherche de causes génétiques de maladies complexes.

Appelés genome-wide association studies (GWAS, ou « étude d’association pangénomique »), ce type de travaux a donné lieu à une multitude de publications scientifiques annonçant la découverte de nombreux variants génétiques qui augmenteraient ou diminueraient le risque d’une maladie, voire la propension à de nombreux traits, comme certains comportements ou aptitudes intellectuelles.

À en croire certains auteurs, notre avenir médical et social serait réellement inscrit dans notre génome. Cette vision est erronée car elle repose sur une série d’erreurs et d’incompréhensions que nous allons étudier.

Qu’est-ce qu’une étude GWAS ?

Les études GWAS consistent à établir une corrélation entre l’expression d’un trait chez un groupe d’individus et des marqueurs sur leur génome. Ces marqueurs peuvent être vus comme des petits drapeaux balisant tout le génome. L’idée sous-jacente aux études GWAS est qu’une association entre un marqueur et un trait permet de détecter des facteurs génétiques indépendamment des facteurs d’environnement dans le trait étudié.

Ceci peut se faire sur un trait quantitatif (comme la taille) ou sur une maladie. Dans ce dernier cas, on comparera ces marqueurs dans un groupe de personnes malades avec ceux d’un groupe de personnes non malades. On affecte alors à chaque différence génétique identifiée un coefficient censé représenter la force de son association avec le trait considéré, puis on calcule un score global (le « score polygénique ») qui représente l’intensité du risque encouru.

Affiche du film « Bienvenue à Gattaca » réalisé par Andrew Niccol

Affiche du film Bienvenue à Gattaca réalisé par Andrew Niccol.

De nombreuses études GWAS ont été engagées sur des maladies dont les causes (on parle d’« étiologie » de la maladie) sont notoirement complexes : schizophrénie, cancer du sein, maladie coronarienne…

Un nouveau marché

Dès 2007, des entreprises ont commencé à vendre en ligne des prédictions de risque sur un simple envoi de salive. La société 23andme a ainsi récolté plus d’un million d’ADN avant d’être sommée par la FDA, en 2013, d’arrêter ses activités faute de preuves de validité.

23andme a continué ses activités en changeant sa démarche et en recueillant des ADN pour une nouvelle utilisation : dresser la carte des origines géographiques des ancêtres de leur propriétaire. Ces ADN peuvent ensuite être mis à disposition d’équipes scientifiques qui peuvent mener des études GWAS et les publier.

D’abord menées sur des centaines d’individus, ces recherches se sont rapidement étendues à des milliers, puis à des millions de personnes et conduisent à la publication de certaines études aux résultats questionnables.

Ces dernières années, des centaines d’articles scientifiques assurent avoir détecté – via des associations – les facteurs génétiques dont les effets se cumulent dans un score. Ces scores sont censés prédire non seulement nos risques de maladie, mais aussi nos aptitudes intellectuelles ou d’adaptation sociale.

À en croire ces travaux, une simple lecture de notre ADN permettrait donc de savoir si l’on est à risque de développer une maladie ou si notre intelligence sera plus ou moins élevée. Ce qui promeut la thèse selon laquelle tous nos traits seraient « prédéterminés génétiquement »…

En 2018, une étude portant sur les nombres d’années d’études de près de 270 000 individus dit avoir identifié plus d’un millier de facteurs génétiques impliqués dans « l’intelligence ». Quatre ans plus tard, en passant à

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Auteur: Françoise Clerget-Darpoux, Directeur de recherches émérite en génétique statistique, Inserm