Notre obéissance inquestionnée

Un lecteur qui anime le blog « Les Petits Soirs » nous a fait parvenir cette longue méditation sur l’obéissance. S’il invite, comme d’autres, à désobéir, l’intérêt de l’analyse est dans les références – notamment Simone Weil et l’historien du nazisme et du management Johann Chapoutot – et les exemples mobilisés – des soldats russes qui désobéissent dans la Creuse en 1916 aux Gilets jaunes en passant par le management contemporain.

Dans la nasse

« Le petit homme ignore qu’il est petit et il a peur d’en prendre conscience. Il dissimule sa petitesse et son étroitesse d’esprit derrière des rêves de force et de grandeur, derrière la force et la grandeur d’autres hommes. Il est fier des grands chefs de guerre, mais il n’est pas fier de lui. Il admire la pensée qu’il n’a pas conçue, au lieu d’admirer celle qu’il a conçue. Il croit d’autant plus aux choses qu’il ne les comprend pas, et il ne croit pas à la justesse des idées dont il saisit facilement le sens. »
W. Reich, Écoute, petit homme ! 1948, 1972 pour la trad.

L’obéissance : l’inscription dans la chair de sa naturalité

Nous sommes quotidiennement lié·es par des obéissances tacites, mutiques et jamais ébruitées. Qui demeurent dans l’ombre de nos lâchetés diverses, de nos inquiétudes, de notre malheur ou de nos ruses. Il faudrait dans un premier temps se départir d’un sentiment diffus et subit de condamnation naturelle, immémoriale, de l’espèce humaine. Ce sentiment qui fait dire au personnage de l’officier de Kafka, dans sa nouvelle A la colonie pénitentiaire et à propos d’un soldat condamné pour insubordination : « Le principe sur lequel je fonde ma décision est celui :

« La culpabilité ne fait jamais de doute ».

Il y a l’ordre des choses, lequel parle de lui même. Il est l’édicteur des sentences, celui qui tranche par nature et qui ne souffre pas même d’être interrogé, soumis, lui à son tour, à la question. Car selon le détent·eur·rice de l’autorité, la sentence, manifestation et fondement de l’ordre disciplinaire, relève de la naturalité physique, corporelle, et à ce titre informe par le châtiment-même de son évidence irréfragable :

« – Il ne connaît pas la sentence qui le frappe ?

– Non ! répéta l’officier. Il fit une courte pause comme s’il attendait de l’enquêteur que celui-ci précisât le motif de sa question, puis il reprit : Cela ne servirait à rien de l’en informer. Il le sera suffisamment par son propre corps. »

Cette…

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Auteur: lundimatin