Nounous africaines à Paris : trop présentes pour être visibles ?

Le marché de la garde d’enfants est en plein essor. L’offre d’accueil des jeunes enfants dans les grandes villes comme Paris ne suffit pas à absorber toute la demande de garde. Face à ce déficit, de nombreuses femmes immigrées d’Afrique subsaharienne en difficulté d’insertion professionnelle, ont trouvé dans les services de garde à domicile une niche d’emplois.

Certaines d’entre elles ont laissé leurs enfants dans leurs pays natals, sur le continent africain. D’autres les font garder par des parents pour pouvoir garder elles-mêmes les enfants d’autres femmes. Leur parcours de nounous est constitué d’expériences sans cesse renouvelées dans différentes familles. Ce qui a pour conséquence de les rendre précaires.



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Le film de Julien Rambaldi, Les femmes du square, sorti en salle le 16 novembre 2022, vient remettre au cœur de l’actualité la figure de la « nounou africaine ». En, effet, il suffit de regarder dans les squares, les parcs ou autres jardins publics parisiens pour voir des femmes « noires » derrière des poussettes contenant des enfants « blancs ». Ce spectacle nous est sans doute devenu tellement familier qu’il est tombé dans une certaine banalité.

Les Femmes du square est un film réalisé par Julien Rambaldi avec Eye Haïdara, Ahmed Sylla. Les Films du Kiosque.

La garde à domicile : une spécificité parisienne

À l’échelle nationale, la garde à domicile est très peu développée car les enfants de moins de trois ans sont avant tout gardés par leurs parents la plupart du temps : 61 % contre 19 % chez des assistantes maternelles agrées et 13 % dans les établissements d’accueil pour jeune enfant.

La garde à domicile ne représente en fait que 2 % au niveau national. La situation est différente à Paris. Le mode de garde collectif arrive en tête (40 %), suivi de la garde par les parents (33 %) ; 16 % pour la garde à domicile et 6 % pour les assistantes maternelles ; 3 % par un proche de la famille.

Cette spécificité parisienne pour la garde à domicile s’explique entre autres, par le fait qu’une large part des enfants de moins trois ans vivent avec un père ou un parent-cadre lorsqu’il s’agit d’un foyer monoparental.

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S’il est en moyenne plus onéreux que les autres, le mode de garde à domicile permet une plus grande souplesse pour les familles qui y ont recours. Cette souplesse se décline sous diverses formes. De l’assurance d’avoir une adulte avec les enfants en cas de retard des parents à des tâches parfois éloignées de la simple garde, comme en témoignent ces notes reprises du carnet de liaison où une employeuse laissait les consignes à sa nounou, rencontrée au cours notre travail de thèse :

« J’ai demandé à J. (la fille de l’employeuse) de vous indiquer le pressing où je dépose les pantalons de N. (le père des enfants), il y en a 2 dans le sac papier à déposer s’il vous plait ».

Un autre jour, pour sa fille :

« Il faut laver ses cheveux et faire 2 tresses, le lendemain il y a la photo de classe. Il faut absolument qu’elle fasse une sieste le mercredi après-midi. »

Un soir quand elle rentre :

« C’était super d’avoir le poisson déjà prêt. Merci ! ».

Ou encore :

« Merci pour le linge, quel soulagement pour moi le soir ».

Des situations dont certaines sont bien illustrées par Angèle, personnage principal des Femmes du square.

Instabilité de l’emploi et précarité

Les nounous africaines que j’ai rencontrées dans le cadre de mes recherches sont arrivées d’Afrique subsaharienne, pour l’essentiel, avec un visa touristique de courte durée. Devenues très vite sans-papiers, elles pouvaient travailler en étant le moins inquiétées dans le secteur de la garde d’enfant à domicile.

Même si la loi semble ambiguë à ce sujet, le domicile des particuliers employeurs reste relativement protégé des contrôles de l’inspection du travail, ou même des contrôles d’identité par la…

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Auteur: Adrien Paul Batiga, Docteur en sociologie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)