Nous avons élucidé le mystère de l’origine du sang chaud chez les mammifères

Les mammifères et les oiseaux produisent leur propre chaleur corporelle. Ce phénomène est connu sous le nom d’endothermie, ou métabolisme à sang chaud. L’endothermie a probablement été l’une des clés du succès évolutif de ces deux groupes d’animaux, car, contrairement aux reptiles à sang froid, les mammifères et les oiseaux se reproduisent plus vite et peuvent être plus actifs, plus longtemps.

Jusqu’à très récemment, personne n’avait réussi à estimer le moment précis dans l’évolution des mammifères où l’endothermie est apparue. Mais notre nouvelle étude, publiée dans la revue scientifique Nature, vient renverser la vapeur. Nos nouvelles données, issues des fossiles étudiés grâce aux rayons X, indiquent que les ancêtres des mammifères ont acquis un métabolisme à sang chaud il y a 233 millions d’années, soit à la fin du Trias.

L’origine de l’endothermie est l’un des grands sujets de débat de la paléontologie moderne. L’apparition d’un métabolisme a sang chaud fut la clé de l’évolution de nombreux autres caractères propres aux mammifères : l’accroissement de la taille du cerveau, l’apparition des poils, un mode de vie nocturne et plus actif, et un taux de reproduction plus élevé. Ces traits leur ont permis de survivre à de nombreux cataclysmes.

Au fil des années, beaucoup de chercheurs ont développé des techniques afin de tenter d’en déterminer l’origine au sein de la lignée des mammifères. Mais ces méthodes ont donné des résultats contradictoires et plutôt flous. La plupart des scientifiques s’entendent sur l’hypothèse que la transition vers l’endothermie a été un processus long et graduel, qui a pris plusieurs millions d’années. Selon eux, cette transition aurait débuté à l’orée du Trias ou même plus tard, au moment de l’origine des mammifères, il y a 200 millions d’années.

Nos découvertes contrastent fortement avec ce scénario d’une transition lente vers le métabolisme à sang chaud.

Notre nouvelle méthode diffère des précédentes, car elle se base sur l’anatomie d’une structure (l’oreille interne), qui est directement liée à la température du corps et donc à l’endothermie. Elle est aussi aisément applicable à un grand nombre d’espèces vivantes et de fossiles, ce qui accroît sa puissance statistique.

Cette méthode suggère que l’endothermie a en fait évolué en seulement un million d’années, c’est-à-dire soudainement d’un point de vue géologique, et non pas graduellement. Et cette évolution aurait débuté approximativement 33 millions d’années AVANT l’origine des mammifères. Cela implique que les ancêtres des mammifères étaient déjà à sang chaud.

Par ailleurs, ce moment concorde avec des découvertes récentes qui plaçaient déjà l’origine de la production de lait, des poils et de l’endothermie à la même époque.

Une intuition géniale

Tout a commencé par l’intuition géniale des docteurs Araújo et David, qui se sont demandé comment le liquide visqueux qui remplit l’oreille interne, l’endolymphe, s’était adapté à une température corporelle plus élevée. L’oreille interne se compose de la cochlée et des canaux semi-circulaires, ces derniers constituant l’organe de l’équilibre. Ces canaux très fins sont remplis de l’endolymphe, dont les mouvements suivent ceux de la tête et indiquent au cerveau comment coordonner les mouvements de la tête et du corps afin de se mouvoir correctement. Ainsi, le maintien de la viscosité de l’endolymphe à un niveau constant est très important pour assurer le bon fonctionnement de tout l’organe de l’équilibre.

Modifier la viscosité de l’endolymphe, par exemple en augmentant sa température, peut avoir des effets très néfastes sur l’équilibre et empêcher la locomotion d’un animal.

Crâne de primate, vue de côté et sectionné afin de montrer le cerveau en rose foncé et l’oreille interne en vert

Le cerveau (en rose) et l’oreille interne (en vert) d’un mammifère moderne, un primate, reconstitués en 3D.
(Julien Benoît), Fourni par l’auteur

Comme le miel, l’endolymphe devient plus fluide à plus haute température. Nos travaux suggèrent que l’oreille interne des oiseaux et des mammifères, les deux principaux groupes d’animaux endothermes, s’est adaptée à ce changement de viscosité de deux façons très différentes. L’endolymphe des oiseaux a retrouvé sa…

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Auteur: Julien Benoit, Senior Researcher in Vertebrate Palaeontology, University of the Witwatersrand