Nous dépeupler c'est non !

Le télétravail partout et pour tous s’étend jusqu’au cœur des universités. Sur ordre politique, la suprématie numérique amplifie un mal être sans précédant d’une jeunesse emmurée : Jusqu’où accepter de la savoir souffrir de se vivre dépeuplée ? De Sandrine Deloche, pedopsychiatre.

Au fond, ce qui sert de socle relève du conditionnement. La masse converge vers l’oubli de sa condition tenue aux ordres et rien d’autre dans l’existence. Alors, elle marche en automate suivant les sillons de la structure cylindrique. Des encoches régulières rythment l’échappement perpendiculaire de la lente colonie. Par endroits, le long d’échelles, certains attendent leur tour pour aller dans des niches d’argile, toutes surveillées et destinées seulement à dormir ou copuler. Échapper à l’encerclement, cette question là finit par dater, évincée des esprits. Celui qui se risque à vouloir atteindre la lumière, celui là n’y arrive jamais. Centrale et hors d’atteinte, elle tombe en puits éternel et tue. Les marcheurs sans fin ni faim finissent par s’effondrer. Là s’ouvre une séquence qui pourrait voir pointer la barbarie au delà de l’ordre hypnotique. Piétiner les mourants, aucun cil ne bouge et le sol rougit. Autour de l’architecture tubaire d’un volume axial gigantesque on suppose un œil panoptique de contrôle, au bras tournant sur rails circulaires. Le regard, la parole, la caresse ont depuis longtemps disparu de la surface d’échange. Quel(s) commun(s) emprunte t-on ici ? Croisement, pénétration, ou embouteillage décrivent le simulacre de ce qu’on aimerait sentir faire corps : le lien. Un silence groupé glisse sur la paroi, seul le contact heurté de ces hommes signe le mouvement de la chose. Un troupeau, laissé à sa condition d’êtres décervelés et sans passion. C’est Le Dépeupleur de Beckett qui parle. Il pique très fort l’échine tant il nous ramène à notre état de perdition…

Auteur: lundimatin
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