Nous ne sommes pas seuls

En 2016, en Argentine, pour lutter contre les épandages de pesticides sur les champs de soja transgéniques près de leurs maisons, les habitants confectionnent des bombes à graines d’amarante, d’une variété mutante qui résiste au Rondup, provoquant une baisse immédiate de rendement de 70%. Les champs sont rendus aux semences paysannes et aux méthodes traditionnelles, « à même d’assurer l’autonomie alimentaire  ». Avec le réchauffement climatique, des icebergs gigantesques menacent les plateformes de forage offshore, algues et méduses prolifèrent et bouchent les entrées d’eau des centrales nucléaires, des fourmis, résistantes aux insecticides mangent les composants des ordinateurs. « Notre planète n’est pas un substrat minéral sur lequel le théâtre de nos vies se déroulerait, mais bien le théâtre lui-même, oeuvre multimillénaire d’actions conjointes bricolées d’une infinité de communautés d’êtres vivants.  »

Léna Balaud, agricultrice, chercheuse en philosophie politique, et Antoine Chopot, doctorant en philosophie de l’écologie politique, appellent à refuser la mise au travail de la nature et des hommes au service de « l’écologie ravageuse du capital », « moteur du dérèglement géologique de la planète  ». Ils invitent à l’émergence d’un nouveau camp politique entre les héritiers d’une tradition sociale et humaniste, et les défenseurs d’un rapport au vivant où l’humain n’est plus au centre, en forgeant des alliances entre les espèces : une véritable « politique des soulèvements terrestres  ».

« Au cœur des luttes contemporaines et à venir, ce qui est mis en jeu n’est pas seulement notre commune humanité contre l’injustice sociale – notre capacité à mieux redistribuer les richesses, à diminuer le temps de travail hétéronome, à organiser un mouvement populaire de reprise de contrôle sur les émissions de CO2.Ce qui est mis en jeu est tout autant notre commune vitalité : notre capacité à conserver et faire croître le tissu de la vie. Notre disposition à voir, sentir et comprendre le continuum de violences infligées aux corps humains et non humains, et à nous consacrer à la régénération des communautés vivantes qui ont été dans leur grande majorité homogénéisées, fragmentées, simplifiées, intoxiquées, intimement dégradées.  »

Dans les années 1960-1970, les travaux d’André Gorz, de Murray Bookchin, d’Ivan Illich proposaient une autre voie que le marxisme orthodoxe, « pour écologiser la critique…

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Auteur: lundimatin