Nous ne voulons pas de votre « mesure »

Depuis le 15 novembre dernier, la Guadeloupe, la Martinique ainsi que la Guyane se sont soulevées. D’une grève générale contre l’obligation vaccinale des soignants, le mouvement s’est vite élargit dans ses pratiques – blocages généralisés, manifestations, affrontements avec la police, pillages – et dans sa portée politique. La « métropole » n’a pas tardé à envoyer des renforts policiers ainsi que le GIGN et le RAID pour mater la révolte, qui n’a fait que s’amplifier. La plupart de ces événements ont été largement rapportés par la presse, mais peu de voix nous sont parvenues depuis l’intérieur du soulèvement. Nous avons donc sollicité Monchoachi, sans nul doute le plus grand poète antillais contemporain, dont la voix calme et résolue résonne au travers de cette analyse puissante : « il s’agit de rien moins qu’en un lieu-charnière, les Antilles, intérieur/extérieur de l’Occident, là où s’ouvrent les fentes, les fissures, se fasse jour un mouvement massif poussant à récuser une mainmise millénaire sur la terre entière. Car ici c’est la pensée même et le projet même formant fondement de l’Occident, sa mesure qui est récusée. »

Le corps de l’homme est le nœud : il est l’originaire, le lieu natif d’où tout se met en mouvement et se propulse. Il est le support sur lequel tout vient se nouer. Traversé par la parole, il est la matrice en laquelle s’articule son rapport au temps, à l’espace et à la terre. Il est l’ultime où tout se joue. Il ne faut donc pas s’étonner qu’à chaque phase importante de l’évolution du monde, le corps constituât l’enjeu majeur, la mise décisive.

Déjà le christianisme, avec le génie particulier qui est le sien avait à juste titre saisi ce qu’a de véritablement crucial le corps. Il s’en est d’emblée emparé comme emblème ; mais un emblème chargé d’ambigüité puisqu’il s’agit d’un corps martyrisé, châtié. Il l’a ensuite, de nouveau en toute ambigüité, métamorphosé en corpus dei (corps de dieu), ce qui constitue pour le moins une manière de l’absenter car le dieu de la religion de l’Unique n’a pas de corps, autrement dit : ou wèy, ou pa wèy, disparèt’ pran-y. Toutefois, l’exhibition du corps de Jésus, complaisamment orchestrée tout au long par l’art occidental du Moyen- âge, permettait par ailleurs au christianisme d’étendre son emprise à toute la terre, en particulier à la terre dite « païenne » (en laquelle, ne l’oublions pas, l’Europe du Moyen-âge se…

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Auteur: lundimatin