Nous n'occuperons pas (seulement) les théâtres

Alors que les occupations de théâtres se multiplient en France, Jérôme Favre, metteur en scène, propose d’ouvrir l’offensive et de passer à l’étape suivante.

Plutôt que d’installer nos réalités malades dans les théâtres vides, de les coucher dans des duvets moites bordés par les directions complices, nous préférons déplacer nos fictions dans le réel, déployer nos mondes dans le monde, aspirer à l’augmenter de nos désirs et de nos rêves.

Nous n’avons que faire d’endroits qui se regardent jouer, se cognent dans les miroirs qu’ils ont installés pour mieux s’y admirer. Nous n’avons que faire d’une ré ouverture qui ne concerne qu’eux.

Les théâtres –ces théâtres – nous ont toujours été fermés. Irons- nous nous y enfermer ?

Et ça gênera qui ? Une fois ré ouverts, Braunschweig et consorts feront donner la troupe, renvoyant les revendications sociales au panier à linge, et nous aurons été les idiots utiles de maîtres hypocrites. Ils sont les complices et les coorganisateurs de la transformation entrepreneuriale du théâtre public, ils épousent sans vergogne les stratégies marketing, y entrainent bon gré mal gré les artistes aux abois, réduits à s’incarner en marques, à courir les uns contre les autres pour quelques bouts de coproduction, des miettes de reconnaissance, cinq minutes de prise de parole.
Souhaitons-nous contribuer à l’allègement à peu de frais de leur conscience, en les associant à l’expression de nos justes colères ?

« Culture en danger » peut on lire sur les pancartes. De quoi parle-t-on ? D’une corporation, d’un système socio – économique, de métiers essoufflés d’eux mêmes, pris au piège d’une course qu’ils ont organisée pour eux seuls, d’une organisation toujours plus lourde qu’il faut entretenir et servir, à mesure qu’elle asservit l’art à ses règles, à ses normes et à ses attendus ; qu’elle nous contraint à grossir le peloton à sa suite, équipiers involontaires et dociles de champions ineptes, étouffés par le consensus mou, la réduction des œuvres au rang de thématiques, et la peur de déplaire.

Nous n’avons rien à faire de la « culture », apanage bourgeois des dominants qui se l’étalent en gémissant pour masquer le vide de leur pensée. Nous avons à faire avec l’art.
Pour nous, les empêchements et les interdictions existaient déjà. La sélection œuvrait avant le Covid – elle œuvrera après, plus âpre, plus incontournable encore, car elle est nécessaire à légitimer le pouvoir…

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Auteur: lundimatin