« Nous sommes de la chair à canon » — Benoît COLLET

« On était là pour prendre de la dose. » Patrice Girardier va répéter plusieurs fois cette phrase quand il évoque son passage en 2015 dans l’ancienne centrale de Chooz (Ardennes), en cours de démantèlement. Il y était responsable de l’équipe de dépoussiérage des poussières alpha, dans les grottes naturelles abritant les installations nucléaires. Ces particules alpha, émises par les noyaux radioactifs lors de la fission nucléaire, sont parmi les plus radioactives et les plus dangereuses pour le vivant. Attablé dans sa cuisine à Hagondange, en Moselle, ses petites filles jouant à côté de lui, il raconte : « On travaillait par plongées de deux heures pour ne pas être trop exposés. À l’époque, je pensais être protégé, même si peu de gens acceptaient de bosser dans ces grottes, vu la dangerosité du travail. » L’homme est resté physiquement marqué par ses années dans les centrales : une large cicatrice balafre son cou, souvenir de son opération. Il se remet doucement de son cancer même si sa santé reste fragile.

Ce père de famille de 33 ans a travaillé durant des années dans des centrales nucléaires aux quatre coins de la France. Il fait partie de ceux qu’on appelle les « nomades du nucléaire », qui travaillent auprès des agents d’EDF et sont responsables de 80 % des opérations de maintenance [1]. En tout, 160 000 salariés travaillent dans les entreprises sous-traitantes de la filière nucléaire [2]. En 2016, le travailleur a eu un cancer de la thyroïde et a mené une bataille judiciaire de deux années pour qu’il soit reconnu comme maladie professionnelle. Sans succès : le cancer de la thyroïde ne fait pas partie de la liste des pathologies résultant d’une exposition aux radiations établie par la Sécurité sociale. Licencié depuis pour « inaptitude d’origine professionnelle médicalement constatée » par son employeur, Orano DS, une filiale de l’ex-Areva, il conteste toujours son licenciement — une procédure est en cours devant les prud’hommes. « Nous comprenons parfaitement l’émotion de M. Girardier, mais il nous a été impossible de lui proposer un reclassement, étant donné son inaptitude physique. Ce constat, présenté aux délégués du personnel en mars 2018 et qui n’a pas fait d’objection, nous a malheureusement conduits à engager une procédure de licenciement », regrette le service presse d’Orano.

Patrice Girardier n’a pas fini de se battre, car selon lui, ce sont bien ses conditions de travail qui ont été la cause de sa…

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Auteur: Benoît COLLET Le grand soir