Comme il faut bien parfois exorciser un peu sa peine, nous nous sommes permis de joindre quelques ami
es que nous partagions avec Eric Hazan afin de glaner ces quelques souvenirs. Que la terre lui soit aussi douce que les temps sont durs.Je me souviens des éclats de ton rire et de ces mots que tu prononçais à chacune de nos rencontres : « Comment tu vas toi ? Raconte. »
Je me souviens que l’âge venant lui laissait comme un mélange singulier de douceur, inaccoutumée, et d’une dureté qui accentuait ses intransigeances, comme d’une impatience à au moins l’aperception d’un autre monde qui viendrait.
Je me souviens qu’on s’est tutoyé tout de suite.
Je me souviens maintenant des premières phrases du Dépeupleur de Beckett : « séjour où des corps vont chercher chacun son dépeupleur », en ces jours terminaux qui font que toute fuite soit vaine… La mort d’Hazan fait grand dépeuplement. Et que de vanité à nos égarements, mais lui n’aimait pas la fuite, alors quelques éclats de souvenir dans l’ombre portée que nous fait sa mort.
Je me souviens quand, hilare, tu devenais sous nos yeux une grand-mère yiddish ou un russe blanc chauffeur de taxi. Ta manière joyeuse de nous raconter le Paris de ton enfance.
Je me souviens de la première fois où il me conduit à la maison : à La fabrique. Le couloir, les marches, on débouche sur une courette en contrebas, une vieille petite cour avec des arbustes, de l’herbe, et au fond, une maisonnette. On entre. Ils sont deux, Stella et Jean, derrière leur bureau. Au fond, à gauche, une longue étagère avec tous les livres, toutes les couleurs. Ce relâchement final, quand le travail est sur sa fin : alors, quelle couleur je vais avoir cette fois-ci ?
Je me souviens comment il nous a si naturellement prêté les clefs de sa merveilleuse maison.
Je me souviens de la bonté souriante d’Eric, de ses yeux qui pétillaient dans les discussions toujours pleines…
La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: dev