NTBLR [1/ ?]

Trois voitures garées sur les pavés, trois voitures blanches avec le logo de la ville peint dessus. Trois voitures blanches avec l’avant tout fuselé et l’arrière qui s’élargit presque à la taille d’une personne debout. Des arrières de voiture blanche de la ville conçue pour que le corps entre, mais qu’il ne tienne jamais droit, qu’il reste courbé toujours au niveau de là ou le corps naturellement devrait plier. Des arrières de bagnoles qui te tuent le dos au niveau des lombaires. Des arrières de bagnoles conçus par des mecs avec des stylos numériques sur des tablettes numériques dans des open-spaces tout blancs.

Des mecs tout blancs sur fond tout blanc avec des vêtements tout bleu bien sombre comme le fond du fond de l’océan. Des mecs tout blancs qui font des dessins au trait avec des stylos numériques qui savent imiter le pinceau ou le crayon de papier et même (c’est surtout ça finalement le comique de la situation) des bombes de peintures. Des mecs tout blancs qui dessinent des arrières de bagnoles dans lesquels ils iront jamais foutre les pieds. Ils dessinent des arrières de bagnoles pour que d’autres aillent se niquer le dos à se tordre pour entrer dans ces arrières. Des arrières de bagnoles pour ranger le matos nécessaire quand la ville veut que ça dégage. Quand la ville veut que ça dégage elle envoie les voitures avec son logo dessus direct sur la zone ou c’est qu’il faut que ça dégage et que ça dégage fissa parce que surtout on ne veut pas que ça reste « en l’état ».

En l’état ça veut dire comme c’était quand le soleil est venu révéler les grandes lettres peintes en noir, des fois en rouge ou en fluo (ça doit dépendre des arrivages au magasin de bricolage), mais cette fois-ci en noir. Des grandes lettres qui se sont dessinées dans la nuit, qui on poussées dans le noir comme des champignons. Des lettres comme celles que l’école de la république t’a appris à faire pour que tout le monde puisse bien les lire. Des lettres bâtons en majuscule bien droite qu’on dirait presque qu’il a fallu que quelqu’un tienne une règle à côté du débit de la bombe pour que ça fasse des trucs aussi droits. Des lettres qui ne tremblent pas, qui ne traduisent pas la peur, ni le froid, ni la colère quand elle est à son paroxysme et que les jointures des mains seraient presque prêtes à péter en serrant si fort le métal de la canette. Des lettres tracées tellement vite et bien que tu n’en as rien eu à foutre du reste, de l’orthographe, du sens, de la distance qu’il te restait sur ce mur avant d’arriver…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin