NTBLR [7/ ?]

C’est midi, le soleil est haut, tellement haut que personne ne le voit. Le soleil est tellement haut qu’il s’occupe à dorer le dos des gros nuages rampants qui nous servent de plafonnier quasi 7/7. Le soleil est si haut que pourtant, même sans le voir, ça gargouille dans les bidons un genre de chanson qui dirait qu’il fait faim. La place bidon devient place cantine, même sous la bruine. C’est joli, ça fait des petits îlots de dos arrondis qui se placent côte-côte. Des petits tas d’humain·e·s qui se colle-colle pour faire un cercle sous les arcades ou sous la pluie quand y’a plus de place dans les arcades. La flotte plic-ploc dans les gueuletons, c’est chiant ça fait comme un bouillon de graisse au fond des barquettes en plastique. Ça parle fort, ça gueule, ça rigole et ça se jette des frites sur la gueule. Tout ça, c’est des jeunes. C’est que des jeunes qui mangent ici vite fait avant de retourner se mettre au chaud dans les classes. C’est que des jeunes qui mangent et qui s’emmerdent, c’est des jeunes qui déjeunent.

La plupart du temps quand on remarque qu’iels le sont : des jeunes, c’est qu’iels font chier celleux qui le sont plus. Iels font chier à être jeunes. Les ancien·ne·s jeunes iels aiment pas qu’on leur rappelle qu’iels le sont plus. C’est pas tant le fait qu’iels soient jeunes ces jeunes, hein, c’est plus qu’en se rendant compte qu’iels sont jeunes, les ancien·ne·s jeunes se rendent compte qu’elleux le sont plus. Je sais pas si c’est très clair cette histoire. On dit rarement qu’on est jeune, sauf quand on est Damien Saez, mais dans ce cas c’est aussi qu’on est con, et on le dit aussi d’ailleurs qu’on est con et qu’on est jeune. Non en général on dit plutôt qu’on a été jeune, et que du coup ben on l’est plus. On le dit, comme pour que ce soit bien clair dès le début, souvent on dit “moi aussi je l’ai été”. On évite de dire qu’on ne l’est plus, parce que ça fout la honte, ou qu’on a l’impression que ça fout la honte. Mais en tous les cas on ne dit pas “je suis vieille, ou je suis vieux” sauf quand on est Brigitte Fontaine, mais dans ce cas-là on n’emmerde personne, non : on encule.

Et il semblerait bien, que mis à part Damien Saez qui est con et Brigitte Fontaine qui nous encule, personne ne dise “moi aussi je l’ai été” en parlant d’un babyz ou “moi aussi je vais le devenir” en parlant d’un vioque.

On dit “moi aussi je l’ai été” pour bien rappeler le point de jonction entre le vieux jeune et les djeuns, pour bien le souligner et dire “je l’ai été, MAIIIIIIIS je ne le…

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Auteur: lundimatin