Nucléaire français, un effondrement qui vient de loin

Nucléaire

Stéphane Lhomme est directeur de l’Observatoire du nucléaire.


C’était prévu pour 2035, mais EDF y est parvenue dès ce mois de mai 2022 : plus de la moitié du parc nucléaire est à l’arrêt, et l’atome ne fournit plus, par moments, que 50 % de l’électricité produite en France. Mieux, si l’on peut dire : l’état de dégradation du parc nucléaire, avec en particulier une cruciale affaire de corrosion de systèmes de sécurité, entraîne la fermeture de nombreux réacteurs pour des durées actuellement indéterminées, mais qui devraient se compter en semestres, voire en années.

De plus, c’est au fil des futurs arrêts programmés qu’EDF va vérifier si d’autres réacteurs ne sont pas eux aussi touchés par ce phénomène de corrosion. D’ores et déjà, il est pratiquement inévitable que la France se retrouve en très grave difficulté cet hiver. Pour mémoire, a contrario des idées reçues instillées de longue date dans l’opinion, la France est très fortement importatrice d’électricité tous les hivers : l’option « des centrales nucléaires + des millions de chauffages électriques », qui devait nous apporter une prétendue « indépendance énergétique », provoque en réalité de tels niveaux de consommation que, même lorsqu’il se portait bien, notre parc nucléaire surdimensionné était loin de pouvoir les satisfaire.

Mais nous étions habituellement sauvés par nos voisins, et principalement par les Allemands, avec leurs centrales électriques au charbon, fortement honnies par les Français… mais pas au point de refuser leur production !

La situation va être totalement différente l’hiver prochain : non seulement, comme expliqué ci-dessus, le parc nucléaire sera en bonne partie à l’arrêt mais, du fait de la guerre en Ukraine et des sanctions prises à l’encontre de Moscou, nos voisins auront déjà fort à faire pour couvrir leurs propres besoins et, loin de nous envoyer plus d’électricité, ils devront au contraire réduire, voire annuler leurs exportations.

« L’argent et les compétences manquent cruellement »

EDF n’est bien sûr pas responsable de la guerre, mais elle l’est en revanche totalement de la situation de son parc nucléaire. Et c’est une affaire qui vient de loin. La construction à marche forcée d’une soixantaine de réacteurs en peu de temps, dans les années 1970 et 1980, a longtemps été présentée comme un gigantesque exploit… ce qui est d’ailleurs le cas sur un strict plan industriel. Mais c’était aussi une…

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Auteur: Reporterre