Nucléaire : « Les industriels sont dans le déni, les politiques n'y connaissent rien »

Vous lisez le grand entretien de Bernard Laponche. La première partie est ici.


Bernard Laponche (84 ans) est un ingénieur polytechnicien, physicien de formation. Ancien ingénieur nucléaire au Commissariat à l’énergie atomique (CEA) et conseiller de la ministre de l’Environnement Dominique Voynet, il est désormais consultant international dans les domaines de l’énergie et de l’efficacité énergétique et membre des associations Global Chance et Énergie partagée. Il est depuis les années 1970 un pilier des luttes antinucléaires en France.

Reporterre — Comment analysez-vous le retour en grâce de la filière nucléaire par Emmanuel Macron, avec la construction de six EPR2 et l’étude de huit additionnels ?

Bernard Laponche — C’est de la com’ ! Cette opération s’inscrit dans la mythologie qui remonte au général de Gaulle, et qu’Emmanuel Macron a reprise à son compte, selon laquelle le nucléaire civil et militaire est la base de l’indépendance de la France.

Le parc nucléaire d’EDF traverse sa pire crise depuis sa naissance. L’enlisement du chantier de l’EPR de Flamanville, les arrêts en chaîne de réacteurs à cause de problèmes de corrosion et de fissures, les problèmes aux usines Orano de retraitement de La Hague et de fabrication du Mox à Marcoule, EDF au bord de la faillite… C’est du jamais-vu. Entre 2010 et 2020, près d’une centaine d’incidents se sont produits sur l’ensemble du parc. Bernard Doroszczuk, président de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), l’a reconnu le 7 avril 2021 lors d’une audition au Sénat : « Un accident nucléaire est possible en France. »

Dans cette situation, il semble très difficile de tenir un discours triomphant sur le nucléaire. Mais les industriels sont dans le déni, les politiques qui le promeuvent n’y connaissent rien. Tous surfent sur l’argument de la lutte contre le changement climatique pour promouvoir la filière.



Pourquoi le nucléaire ne sauvera pas le climat ?

Les émissions de gaz à effet de serre sont loin d’être négligeables. Les fissions nucléaires dans un réacteur en fonctionnement, à l’origine de l’énergie produite, n’émettent effectivement pas de CO₂. Mais l’ensemble des activités nucléaires dans une centrale en fonctionnement — 800 salariés en moyenne — ou lors des arrêts pour les travaux de maintenance, si. Ces activités engendrent aussi très souvent des fuites de gaz très actifs sur le réchauffement climatique, comme les fluides frigorigènes (1 000 fois plus…

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Auteur: Émilie Massemin, Gaspard d’Allens Reporterre