« On détruit la planète » : les salariés des énergies fossiles racontent leur mal-être

« Nous sommes les petites mains du changement climatique, et cette idée me ronge… » soupire Nathalie, attablée à la terrasse d’un café parisien. Charbon, pétrole, gaz : les énergies fossiles représentent près de 90 % des émissions mondiales de CO₂, et, comme Nathalie, les employés du secteur ne s’y trompent pas. Dans un récent rapport, intitulé « Pour une transition juste », les Amis de la Terre, l’Institut Veblen et l’Institut Rousseau ont mené une enquête auprès de 266 travailleuses et travailleurs des secteurs pétrolier et gazier. Interrogés sur l’avenir de leurs emplois dans un contexte de crise climatique, 95 % des répondants considèrent le réchauffement global des températures comme un problème. Près de la moitié pensent que leur emploi est menacé.

Reporterre a rencontré cinq de ces travailleuses et travailleurs, employés de multinationales ou de petites entreprises du secteur pétrolier et gazier. Âgés de 30 à 50 ans, ils turbinent en tant que responsable qualité, chargée des ressources humaines, ingénieur, géologue ou encore raffineur. Elles et ils racontent l’anxiété qui les traverse face aux bouleversements du climat, l’instabilité et les transformations de leur secteur. Et expriment leur quête de sens, leurs espoirs d’évolution interne ou leur intention de tout plaquer pour bosser ailleurs.

Nous nommerons l’un d’eux Julien. À l’instar de ses consœurs et confrères, il a souhaité rester anonyme, pour éviter toute remontrance de son employeur. « J’ai mis du temps à comprendre l’ampleur du changement climatique », confie-t-il à Reporterre. Il se remémore les années 2000, un temps où, tout juste diplômé d’un BTS, il savourait son recrutement en tant que technicien au sein d’une usine spécialisée dans la conception de composants en partie destinés à l’industrie fossile. « Je ne voulais pas poursuivre mes études et je n’étais pas écolo pour un sou, je m’estimais juste heureux d’avoir un job », se souvient-il. Pendant des années, il dit avoir « roulé sa bosse, grimpé les échelons comme un bon soldat » au sein de son entreprise, sans trop se poser de questions, jusqu’à devenir responsable qualité.

C’était avant 2015, l’année où la réalité du changement climatique lui a sauté à la figure. « Avec la COP21 et tous les reportages qui passaient à la télé, je me suis rendu compte qu’on avait un gros problème, et j’ai tiré la ficelle. » Tout jeune papa, il s’est plongé dans les conférences de

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Auteur: Alexandre-Reza Kokabi (Reporterre) Reporterre