« On n'a aucun débat rationnel sur la question de l'augmentation des prix des médicaments »

 basta!  :Vous revenez dans votre ouvrage Combien coûtent nos vies ?, co-écrit avec Pauline Londeix, sur un risque qui pèse sur notre système de santé, mais dont on parle peu, celui des pénuries de médicaments. Quel est le risque aujourd’hui en France ?

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Jérôme Martin : Selon les chiffres officiels de l’Agence nationale du médicament, on est passé d’un peu plus de 400 signalements de tension sur un produit en 2016 à plus de 2400 signalements en 2021. On voit donc que le risque de pénurie augmente. Il y a eu bien sûr l’effet Covid d’augmentation de la demande sur certaines substances qui a pu accentuer les tensions. On s’est par exemple retrouvé avec des services de réanimation qui n’avaient plus de médicaments essentiels, comme les sédatifs et le curare, notamment parce que 80 % de la production pharmaceutique est localisée en Chine et en Inde, et que la Chine avait stoppé sa production en raison de l’impact du Covid dans le pays. Cela montre bien notre dépendance.

Mais il faut plutôt penser le Covid comme étant un révélateur de toutes les faiblesses du système, liées la délocalisation et à l’inscription de la production de médicaments dans les logiques commerciales. Les détenteurs de brevets privilégient la sécurisation des chaînes d’approvisionnement des médicaments qu’ils estiment plus profitables, généralement des produits plus récents et chers, au détriment de médicaments qui, même essentiels, sont moins intéressants financièrement. Ces pénuries peuvent avoir pour conséquence des pertes réelles de chance de guérison pour les patients, et une augmentation du temps de travail du personnel à l’hôpital pour tenter de trouver des solutions.

Est-ce qu’en France une agence ou un organisme national est chargé de superviser l’approvisionnement en médicaments ?

L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s’occupe du suivi des pénuries. Mais ce sont les hôpitaux, les pharmacies et aussi les entreprises qui sont chargées des commandes, avec les réseaux de distribution. Les hôpitaux et pharmacies doivent faire remonter les tensions ou ruptures de stock de médicaments à l’ASNM. Depuis une dizaine d’années, des changements législatifs ont été adoptés pour renforcer cette obligation de signalement. En 2019, une mesure de bon sens a été adoptée dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale : une obligation pour les industriels d’avoir des stocks de médicaments. Elle a cependant été réduite par le…

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Auteur: Rachel Knaebel