« On ne dort pas, ni nous ici, ni eux là-bas » : après la fuite de Kaboul, la vie en suspens des exilés afghans

La mère de Soheila* porte un foulard brodé de petites fleurs, délicatement enroulé autour de sa tête. « Je suis contente d’être à Paris. Les gens sont très gentils. Mais je m’inquiète parce que mes autres enfants sont toujours en Afghanistan », glisse-t-elle, droite sur sa chaise, les mains posées sur ses genoux. Assise à ses côtés, sa fille traduit ses mots en français. Ex-employée des Nations unies en Afghanistan, Soheila dû fuir le pays avec ses enfants en 2014, après l’assassinat de son mari par les talibans.

Sept ans plus tard, dans son salon, elle revoit enfin sa mère ; ainsi qu’un de ses frères. Ces derniers ont été évacués depuis Kaboul, en août 2021. Les images du pont aérien et des exfiltrations de la capitale ont alors fait le tour du monde. La France a annoncé avoir accueilli 2600 personnes. Aujourd’hui, suite à de nouveaux transferts, « on est aux alentours de 3000 », nous affirme Didier Leschi, directeur général de l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration). Derrière ces chiffres, les réalités de l’accueil sont diverses. Parfois, peu glorieuses.

Soheila n’a pas réussi à faire évacuer sa sœur, engagée pour les droits des femmes ; ni son second frère, médecin. « Je n’ai plus de contact avec lui depuis qu’il est parti dans une province dangereuse. Il est toujours menacé, avec sa femme et ses enfants. » La jeune femme a pourtant activé les mêmes contacts que ceux qui l’avaient aidé à faire évacuer sa mère et son frère – le ministère des Affaires étrangères, un professeur qui l’a formée durant ses études en France, des responsables associatifs, des amis…, « mais je n’ai pas de réponse ». Autour de Soheila et sa mère, il règne dans l’appartement un calme ordonné. La lumière est douce, les pas des enfants sont feutrés. L’anxiété les étreint en silence.

« Une forme d’attente muette »

Elles ne sont pas les seules. Tous les Afghans évacués de Kaboul avec lesquels Basta! s’est entretenu s’inquiètent et se battent pour des proches. « Les autorités françaises n’ont pas voulu faire partir ma famille avec moi. Pourquoi ? Je pleurais, j’étais très nerveuse. On m’a dit de prendre mon vol pour Paris, puis de les faire venir… », raconte Nadia*, ancienne auxiliaire de l’armée française en Afghanistan. L’avocat de la jeune femme, Antoine Ory, partage son incompréhension. « Comme beaucoup, ses parents auraient dû partir. Ils sont couverts par la protection fonctionnelle obtenue par…

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Auteur: Maïa Courtois, Valentina Camu