On ne verra pas leurs larmes

«Comment survient une catastrophe ? En un instant. Quand prend-elle fin ? Jamais ».

Cette interrogation est le fil narratif de Milk, la création que Bashar Murkus, né en 1992 à Kufer Yasif, au nord de la Palestine occupée, vient de présenter dans le In du Festival d’Avignon. Il y était déjà invité l’an dernier avec Le Musée, une pièce où il questionnait la violence terroriste, des individus et des États, dans un dispositif d’interrogatoire entre un condamné à mort et son geôlier.

Dans Milk, qui a une double signification, « lait » en anglais, mais aussi « c’est à moi » en arabe, l’affrontement dialectique a laissé place au silence. Celui qui se dépose sur les paysages de dévastation, intimes et collectifs. La pièce, musicale et chorégraphique, est pourtant loin d’être muette, et se reçoit de manière exacerbée et clivante. Un frottement et un dérangement auquel est habitué l’Ensemble Khashabi de Haïfa, première troupe indépendante d’Israël, fondée en 2015 — en 2014, quand elle était encore la compagnie Al-Maidan, qui avait joué le jeu des rares théâtres (maigrement) subventionnés, elle avait voulu monter Le Temps parallèle, qui traitait de la détention des prisonniers politiques, et avait été réduite au silence.

Pour les Palestiniens, le surgissement de la catastrophe a eu lieu en 1948, il n’a jamais pris fin et marque de son empreinte tout un peuple, en territoire occupé comme en exil. Bashar Murkus n’a cependant pas cherché à représenter la tragédie palestinienne, mais une tragédie universelle qui frappe les êtres humains, en temps de guerre et de dépossession, en s’attachant plus particulièrement à la douleur d’une mère qui perd son enfant.

Firielle Al Jubeh, Samera Kadry, Shaden Kanboura, Salwa Nakkara, Reem Talhami, Samaa Wakim sont les six actrices qui incarnent des mères de plusieurs générations et donnent toute sa puissance à la pièce. Elles entrent d’abord à cinq, vêtues de noir, errantes sur un plateau recouvert de matelas noirs et spongieux évoquant une terre calcinée. Elles serrent contre leur poitrine des mannequins de leur taille — comme ceux utilisés en études de médecine —, les enroulant autour d’elles, sur leurs épaules, dans leurs cheveux, les caressant ou les bousculant, leur adressant leur désespoir et leur colère. On ne verra pas leurs larmes…

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Auteur: Marina Da Silva