« Opération Condor », un homme face à la terreur — Maurice LEMOINE

« S

urprenant petit bonhomme », personnage hors du commun, symbole de la lutte pour la justice, le Paraguayen dont le journaliste et écrivain Pablo Daniel Magee retrace l’histoire dans un livre passionnant s’appelle Martín Almada. Inconnu du grand public, celui-ci a pourtant reçu en 2002 le prix Nobel alternatif de la paix pour avoir mis à jour, preuves à l’appui, après en avoir lui-même été victime, l’une des entreprises criminelles les plus abjectes de l’histoire de l’Amérique latine : le plan Condor.

1964 : l’armée brésilienne renverse le président João Goulart. Le « golpe » marque le coup d’envoi de la période mortifère qui va affecter la Bolivie (1971), le Chili, l’Uruguay et le Pérou (1973), l’Argentine (1976) et le Paraguay (depuis 1954 sous la botte de l’« Honorablissime commandant en chef des Forces armées de la Nation » et Président de la République Alfredo Stroessner). Celui que, venu en 1958 inaugurer les installations de la CIA dans l’ambassade des Etats-Unis à Asunción, le vice-président étatsunien Richard Nixon a surnommé « Our man in Paraguay ».

Depuis 1959, la Révolution cubaine a placé l’île et, dans chaque pays, l’ « ennemi interne », au centre des préoccupations. La longue tradition de coopération souterraine entre les polices et les armées d’Amérique du sud est systématisée le 26 novembre 1975 lorsque, directement placé sous l’autorité du général Augusto Pinochet, le colonel Manuel Contreras, patron de la Direction du renseignement national (DINA), reçoit secrètement ses « collègues » à Santiago du Chili. Ainsi naît l’Opération Condor. Un système clandestin de coordination des différents services de sécurité. Chaque pays membre – Chili, Argentine, Uruguay, Paraguay, Brésil, Bolivie – espionne ses opposants, les neutralise, mais autorise aussi les « services » des autres nations à intervenir sur son territoire pour enlever des exilés, les ramener dans leur pays d’origine, les interroger, les torturer ou les assassiner.

Membre du Parti Colorado (au pouvoir), Martín Almada n’a a priori rien à craindre d’une telle multinationale de la répression, dont, d’ailleurs, nul ne connaît l’existence. Il n’empêche que ce professeur, directeur à San Lorenzo du collège « Juan Bautista Alberdi », attire rapidement l’attention. Adepte de l’éducateur brésilien Paulo Freire et de sa « pédagogie des opprimés », président du Congrès national des enseignants paraguayens, ne flirterait-il pas avec…

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Auteur: Maurice LEMOINE Le grand soir