Osons le rationnement !

Joseph Sournac, Lucas Deutsch et Yoan Brazy sont cofondateurs de Sinonvirgule, une agence de conseil en « redirection écologique » pour des organisations publiques et privées.


Depuis plusieurs semaines, le gouvernement multiplie les appels à la sobriété, appels couronnés jeudi 6 octobre par la sortie du plan de sobriété énergétique de l’État. À première vue, on pourrait s’en féliciter. Mais avant de basculer dans l’euphorie et l’espoir d’un réatterrissage pacifié dans les limites planétaires, deux considérations s’imposent.

D’une part, le mot « sobriété » fait l’objet, comme le pointe la sociologue Mathilde Szuba dans un entretien en septembre avec Reporterre, d’une « définition au rabais ». Dans la bouche des gouvernants, elle désigne des écogestes, une chasse au gaspillage ou, tout au plus, des invitations à faire des efforts en temps de crise. Progressivement, en devenant compatible avec nos modes de vie et de production actuels, le terme perd de son sens et de sa radicalité.

D’autre part, si l’État encourage et incite, il n’oblige ni ne planifie, laissant en grande partie aux collectivités et aux entreprises la charge de s’organiser. Musées, piscines, facultés, écoles, boulangeries, stations de ski et d’autres encore se voient dans l’obligation de prendre des décisions allant de la simple baisse du chauffage à la fermeture totale, en passant par la réduction de l’offre de services. Partout sur le territoire, on assiste à une forme de sauve-qui-peut désordonné, sans coordination (ni même réflexion) nationale sur le sujet. Bref, la sobriété à laquelle nous assistons est largement désorganisée, et donc subie.

Serrer les dents ou préparer l’avenir ?

Au fond, c’est bien cela — l’absence totale de plan — qui interroge, davantage en tout cas que la nature des mesures adoptées dans l’urgence. Ce constat est préoccupant, car il ne s’agit pas seulement de serrer les dents pour passer l’hiver. La période actuelle est certes rendue exceptionnelle par la guerre en Ukraine, mais elle est amenée à se répéter (une descente énergétique est obligatoire pour se plier à l’Accord de Paris et/ou à la réalité du pic pétrolier) et à se dupliquer (sur d’autres ressources). La raréfaction, l’amenuisement et la pénurie sont des mots — et surtout des réalités écologiques — auxquelles nous devons nous préparer, en revoyant notre vision de la société à long terme et en nous dotant à court terme de nouveaux dispositifs démocratiques…

La suite est à lire sur: reporterre.net
Auteur: Reporterre