Oubliez de négocier, oubliez même comment on négocie

Les Revolutionary Letters de la poétesse états-unienne Diane di Prima (1934-2020) paraissent le 3 février aux éditions zoeme dans une traduction française. Écrits sur plus de 40 ans, ces poèmes, qui tiennent à la fois du tract anarchiste, du mantra hippie et du manuel de survie, traversent les différentes phases d’un capitalisme toujours plus « tardif » avec une rage anti-impérialiste constante et une attention précoce au désastre écologique en cours. Elles ne cessent pas non plus de rappeler l’extorsion et le racisme sur lesquels est fondé le concept d’« Amérique » (à une époque où le terme est le synonyme incontesté de celui d’« États-Unis »). Nous proposons ici quelques-unes des Lettres révolutionnaires traduites en français, parmi les quelque 120 qui constituent le volume.

quand vous prendrez une ville, un campus, emparez-vous des centrales

électriques, de l’eau, des réseaux de transport,

oubliez de négocier, oubliez même comment

on négocie

Lettre révolutionnaire 15 (extrait)

Née dans le Brooklyn des années 30, Diane di Prima grandit dans une famille marquée par l’activisme du grand-père, Domenico Mallozzi, anarchiste italien qui l’initie aussi bien à la poésie de Dante qu’aux pamphlets d’Emma Goldman. Interrogée sur son adolescence, di Prima déclare : « J’avais toujours pressenti que je pourrais croire à tout ça, mais il était absolument hors de question de passer sérieusement à l’acte, parce que l’époque était au maccarthysme et que le FBI s’affairait déjà à traquer mes ami⋅es sans-papiers. » C’est dans les avant-gardes littéraires qu’elle déploie alors son énergie intellectuelle : elle fréquente Audre Lorde dans un cercle de lecture, co-dirige avec LeRoi Jones (qui deviendra Amiri Baraka) la revue The Floating Bear, fréquente les poètes beat et la scène psychédélique qui gravite autour de Timothy Leary.


Diane di Prima lors d’une des lectures du cercle beat, au Gas Light Café, à la fin des années 1950.

Après plusieurs séjours en Californie au début des années 60, elle déménage définitivement à San Francisco en 1967, à bord « d’un combi Volkswagen remplie de fusils et de machines à écrire », ainsi que de plusieurs enfants en bas âge. Elle étudie le bouddhisme au San Francisco Zen Center de Suzuki Roshi, et rejoint les Diggers, un groupe informel d’activistes apportant aux enfants-fleurs qui affluent sur la côte Ouest un soutien matériel et œuvrant à leur politisation. Les Diggers s’astreignent à…

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Auteur: lundi-matin