Jean-Paul Gaudillère, Caroline Izambert et Pierre-André Juven, Pandémopolitique. Réinventer la santé en commun, Paris, éditions La Découverte, 2021.
À vrai dire, et comme souvent, le titre est un peu trompeur. Du moins le sous-titre : Réinventer la santé en commun, car seule la troisième partie du livre est consacrée à cette belle intention – ceci dit sans ironie aucune : je parle d’intention car après la lecture des deux premières parties, j’ai l’impression que cette réinvention tient plus du programme utopique que d’autre chose, et cela même si les trois auteur·e·s ont répertorié des initiatives qui nous font penser que l’utopie n’est pas forcément vouée à le rester…
Tout le livre est axé autour de la notion de « triage ». Depuis que l’épidémie de Covid-19 a atteint un point critique – en France, au printemps 2020 –, il a été beaucoup question du traumatisme que représentait pour les personnels soignants et les populations concernées la nécessité de devoir procéder à un « tri » parmi les malades, en privilégiant l’accès aux services de réanimation à celles et ceux qui avaient plus de chances de survie que d’autres. Dit comme cela, cela paraît horrible, à la limite de la barbarie. Et c’est probablement horrible et barbare. Cependant, l’affaire est moins simple que ce que les médias ont complaisamment répercuté. En effet, le « triage » des patients est caractéristique de la médecine de guerre. Dans ces cas-là, on assiste à une production industrielle d’atteintes graves à l’intégrité des personnes, qui dépasse tous les moyens de soins mis en place en période « normale ». Mais en mars 2020, nous n’étions pas en guerre, que je sache. Ou du moins pas dans une guerre conventionnelle, avec armées qui s’affrontent sur le champ de bataille. La guerre sociale poursuivait son cours, évidemment, et avec elle le business as usual. Face à pareille énigme (comment un virus ni plus ni moins « virulent » qu’un autre a-t-il pu déborder à ce point les capacités de soins d’un pays qui s’enorgueillissait d’un système de santé parmi les plus performants au monde, oui monsieur), et puisque nous parlons de la guerre et de son cortège de traumatismes, il me semble important de rappeler la sagesse de Bertold Brecht : « On dit d’un fleuve emportant tout sur son passage qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent. » C’est de la violence des rives que parlent les deux premières…
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Auteur: lundimatin