Parole des accusés : de son importance dans un procès d’assises

Alors que le procès des attentats du 22 mars 2016 débute à Bruxelles, la cour belge attend que Salah Abdeslam, mis en cause pour sa participation dans ces événements qui ont causé la mort de 32 personnes, s’exprime aux côtés de huit autres co-accusés. Au premier jour de l’audience, mardi 6 décembre, ils ont été cinq à quitter la salle d’audience, jugeant « leurs conditions d’extraction » et de transferts entre cellules et prisons indignes. Or leur présence et leur parole sont particulièrement importantes dans ce type de procès.

Lors du procès des attentats de Paris, du 13 novembre 2015, après six années de silence, la parole de Salah Abdeslam, dernier membre du commando terroriste des attentats de Paris encore en vie, était également très attendue par la cour, les avocats et les parties civiles. Après avoir usé de son droit au silence, il a finalement « livré sa vérité » lors de ce procès et il faut souligner l’immense travail réalisé par les avocats, durant l’audience et en amont, pour aboutir à cette parole.

Le poids de la parole de l’accusé

Le mot « justice » vient du latin ius, « le droit », et dicere, « dire », étymologiquement, il signifie « dire le droit ». Ainsi le lien entre la justice et la parole est-il très profond. Cependant, la parole judiciaire a ses propres enjeux et est produite selon des règles et des mécanismes bien spécifiques au dispositif judiciaire. Centrale, dans les procès d’assises régis par l’oralité, la parole est orchestrée par le ou la président·e de la cour qui va la distribuer tour à tour aux différents acteurs. À ce sujet, l’avocat et maître de conférences, Jean Danet écrit :

« ce qui va se dire dans l’enceinte de justice, c’est une parole socialisée, encadrée par des règles très précises, finalisée, inscrite dans le temps, dans la durée, dans un contexte »

Dans cet article, nous proposons de voir ce que représente la parole des accusés et quels enjeux de pouvoir elle mobilise pour les différentes parties du procès.



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Pour la justice : construire la vérité judiciaire

Dans le cadre d’un procès pénal, les magistrats jugent des faits (un attentat terroriste ou un projet d’attentat par exemple) et l’auteur des faits. Dans ce sens, les interrogatoires visent à comprendre factuellement le ou les crimes commis mais aussi comment ils ont été commis et par qui.

Cela implique de comprendre l’état d’esprit de l’accusé, ses intentions, son degré de discernement au moment des faits, sa liberté d’action. C’est donc en comprenant qui est l’accusé, à travers son histoire et sa personnalité, que se construit la vérité judiciaire qui doit permettre d’assigner un crime à un individu.

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Dans le cadre du système juridique romano-germanique (Civil law) exercé en France et en Belgique, les informations provenant de l’accusé lui-même, et donc sa parole, ont une valeur particulièrement importante. À titre d’exemple, la présidente du procès des attentats de Bruxelles a reporté de deux mois le début de l’audience, après que plusieurs des principaux accusés aient refusé de comparaître derrière des box vitrées.

Elle a en effet estimé que le dispositif viole le droit des accusés à un procès équitable (article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, CEDH ci-après) et expliqué que :

« C’est une bulle qui les exclut de leur procès, une entrave à la communication, entre autres, avec les avocats. Il y a une difficulté de voir les accusés tant pour le futur jury que pour la présidente. Cet isolement réduira ou anéantira la participation des accusés à leur procès. »



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Appliquant un modèle de justice inquisitoire et contradictoire, la cour va questionner les accusés et écouter leur version des faits afin de produire la vérité judiciaire au sein de débats dits « contradictoires » car différentes versions d’un même fait s’opposent ou se distinguent.

L’aveu de sa culpabilité par l’accusé demeure…

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Auteur: Claire Littaye, Docteure, Université de Technologie de Compiègne (UTC)