Parole d'un litre

Vient à certains esprits hors sol que le territoire pullule d’écoterroristes, et qu’il va falloir les déraciner pour éviter qu’ils ne sèment le chaos. Heureusement que la nature ne l’entend pas de cette oreille. Par la voix d’un nouvel élément, elle ose dire ici qu’il vaudrait mieux arroser les graines pour retrouver le printemps.

Les nuages m’avaient précipitée sur la colline et comme d’habitude, j’escomptais m’infiltrer tranquillement à travers les sols. J’aurais ruisselé ensuite vers la rivière, et salué la salamandre au passage – c’est quand même dingue, une démarche pareille !

Mais cette fois, quelque chose avait changé. J’avais pris l’habitude d’y aller piano et là, je dévalais la pente sans avoir le temps de rien faire. Trois gouttes perchées sur une touffe semblaient même prévenir d’un péril proche. Pourtant, je ne saurais dire pourquoi, j’ai laissé couler, j’ai suivi le courant.

Quelle erreur ! A peine avais-je rejoins la rivière que le malaise amplifiait. J’ai senti que nous nous entassions toutes les unes sur les autres, et que nous filions vers on ne sait où. Nous avons d’ailleurs vite été plongées dans un environnement sombre et froid. Ça clochait, ça résonnait – métallique. Des flaques voisines criaient, d’autres tentaient de se cacher. C’était la panique alentour. Moi j’avais vraiment peur. Et quand la pression a été trop forte, je me suis évanouie…

Au réveil, j’étais tout engoncée. Je ne pouvais pas aller à ma guise. Je n’étais même plus soluble dans la nature : il fallait que je m’en tienne aux places d’une étrange rétention. C’est là que j’ai compris : j’avais suivi le tracé d’outils de captage, et je me retrouvais emprisonnée dans une bassine de larmes. Quelle horreur ! J’avais été aspirée, capturée, et mise au masculin – transformée en quantité homogène. J’avais été fait litre par des machines agricoles.

Qu’est-ce que je faisais là ? Mais qu’est-ce que je faisais là ? Je réfléchissais mes doutes en surface, mais malheureusement pas grand monde n’y faisait écho. Il n’y eut qu’un mouton soulevé par la bise pour me signifier qu’il était question de prendre des mesures afin de lutter contre la chaleur du feu à venir. Les temps changent, qu’il disait, et il faut s’adapter pour continuer à nourrir la planète, assurer l’autonomie alimentaire.

Assigné à la litritude, j’ai eu tout le temps d’y penser. Je me suis dit qu’il était bizarre, ce laïus pragmatiste….

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Auteur: dev