Parole d'une ligne

Les gouverneurs de nature sont pour le moins versatiles. A peine ont-ils déclaré l’urgence de protéger la terre qu’ils décident de défendre les ennemis de l’eau – ceux qui bassinent et bétonnent. Et quand il leur arrive par inadvertance de croiser leur propre reflet, ils s’empressent de dissoudre les sources d’espoir – les mouvements écologistes. Espérons donc qu’ils soient bientôt touchés par le message de la ligne. Elle cherche à tracer une voie plus claire vers une page nouvelle.

J’avais entendu le litre dire qu’il fallait se soulever pour faire le printemps. Et malgré l’engourdissement, la torpeur et la dure fin de l’hiver, je m’étais fait un devoir de bouger. C’est dans ma nature, de répondre aux appels.

Bien sûr, il a fallu m’arracher aux strates que l’ordre établit en moi à chaque saison froide. J’ai cheminé hors des clous, franchi les zones interdites. J’ai contourné les barrages, traversé les autoroutes et glissé sous les rambardes. Fini le train-train, exit les voies ferrées.

Et alors que j’étais partie en pointillés – sur la pointe des pieds, j’ai senti mon pas s’affermir. Les fibres en moi se donnaient la main, je me sentais gagner en consistance. Divers tracteurs, quelques chevreuils en fuite et vingt mille pattes humaines densifièrent ma présence.

Comme toujours en mouvement, je me sentais vivre. Et lorsque j’ai atterri sur un vaste champ sans talus, un plat pays sans autres rais que les tristes angles d’un carré, je me suis spontanément mise à dessiner un paysage pour égayer l’endroit.

J’étais tellement enthousiaste que j’ai entamé une folle farandole, rythmée par les battements de mon chœur. Et puis un cercle circassien, aussitôt applaudi par la clameur des gens, avant que les vers ne sortent du sol pour entrer dans la danse.

Je me suis constituée en crête, en cime, en onde – que dis-je ? en vol de vautour ! C’est ainsi, voyez-vous, que je…

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Auteur: dev