Pas touche à la Coupe du monde : quand le sacré s’invite sur le terrain de foot

En touchant le trophée, le chef lui fait-il perdre son caractère sacré? Youtube, capture d'écran.

La Coupe du monde de football masculin 2022 s’étant conclue avec la victoire de l’Argentine, de nombreuses images de célébration ont été diffusées tant sur les médias traditionnels que sur les réseaux sociaux. Parmi ces images, une séquence a défrayé la chronique. Nusret Gökçe (alias SaltBae pour les intimes des réseaux sociaux), célèbre chef cuisinier du restaurant SaltBae à Dubaï s’est introduit sur le terrain lors de la finale afin de se faire prendre en photo en tenant le trophée de la Coupe du monde, auprès de l’équipe nationale d’Argentine.

Pourquoi ces images ont-elles suscité tant de réactions ? Ce chef, habitué des controverses mais jusque-là très apprécié des footballers les plus célèbres, aurait-il commis une transgression de trop ?

Le processus de « désenchantement du monde » selon la fameuse expression de Max Weber, a conduit nos sociétés à une mise à l’écart de la religion et du sacré dans les affaires sociales. Cet exemple met néanmoins en évidence la présence et l’importance du « sacré », qui prend désormais d’autres formes, au sein de nos organisations contemporaines.



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Le trophée comme objet sacré

Lionel Messi, Cristiano Ronaldo, David Beckham, Ronaldinho et de nombreuses autres stars du football se sont un jour rendus dans le très prisé restaurant de SaltBae à Dubaï. La popularité de ce chef cuisinier au sein de la communauté des footballeurs est indéniable. Pourtant, son entrée sur le terrain lors de la finale de la Coupe du monde a créé le malaise tant auprès des supporters qu’au sein même de l’équipe d’Argentine. La FIFA a également réagi en ouvrant une enquête sur la présence de SaltBae sur le terrain.

Au-delà des questions de sécurité liées au contrôle d’accès sur le terrain, ce qui a fait le plus réagir les internautes sur les réseaux, c’est le fait que le chef ait touché au trophée de la Coupe du monde. Ce trophée en or massif, propriété de la FIFA, est simplement prêté pendant quelques heures aux joueurs vainqueurs de la Coupe du monde, avant d’être retourné à l’association sportive.

Bien qu’aucune règle écrite ne stipule clairement qui a le droit de toucher ce trophée pendant la célébration, il semblerait que l’ensemble des parties prenantes à l’organisation footballistique – joueurs, membres de la FIFA, supporters, etc. – s’accordent à dire que seule une infime catégorie de personnes peuvent le faire. Ainsi, seuls les vainqueurs et anciens vainqueurs, les chefs d’État et les membres du staff de la FIFA auraient le droit de toucher au trophée.

Par cette nécessité de maintenir cet objet à distance du plus grand nombre, le trophée de la Coupe du monde semble s’apparenter à un objet sacré, ne pouvant être manipulé sans danger que par une catégorie restreinte d’experts.



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Cette séparation du monde profane permet non seulement à l’objet de prendre un sens symbolique fort mais sacralise également les vainqueurs de la Coupe du monde, en leur reconnaissant un prestige et une position particulière au sein de l’organisation sociale du football. Un tel objet participe donc, par son sens symbolique partagé par les membres d’une organisation donnée, à maintenir l’ordre social de ladite organisation.

En touchant au trophée, SaltBae aurait alors perturbé cet ordre social et nui au prestige des vainqueurs. En entrant dans la sphère du profane, le trophée devient un simple objet, risquant de perdre sa force symbolique classificatrice. L’objet est ainsi « souillé », pour reprendre l’expression de l’anthropologue Mary Douglas, ce qui provoque l’outrage et le dégoût, comme on peut le lire dans les commentaires ayant suivi l’évènement.

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Auteur: Carine Farias, Associate Professor in Entrepreneurship and Business Ethics, IÉSEG School of Management