Patience de la vie

Je ne sais plus qui a dit, Hölderlin peut-être, que l’extrême simplicité et l’extrême culture se rejoignent. La main de l’artisan et la pensée la plus haute ont en partage la même justesse, le même amour du travail bien fait, la même économie dans le geste. La ligne de démarcation ne passe pas entre les manuels et les intellectuels, les incultes et les savants, les fragiles et les puissants, mais entre ceux qui trouvent le mensonge habitable et ceux qui ont découvert que la vie est un long voyage vers la vérité où l’on apprend à se délester de l’inutile. C’est une des grandes joies de l’existence que de rencontrer des êtres qu’en apparence, socialement, tout oppose et de retrouver en eux, sous des tempéraments divers, la même simplicité, le même sens du devoir, le même mélange de droiture et de modestie. Qu’ils soient militaires, ouvriers, philosophes, religieux, médecins, paysans, professeurs, la vie leur a appris à ne pas se payer de mots, à se méfier des théories qui ne sont pas allées se coller à la sueur du vivant, à fuir comme la peste aussi bien les raccourcis séducteurs que les complications inutiles.

On aimerait, plus souvent, court-circuiter la logique des classes, des milieux, des chapelles, et réunir dans un même regard fraternel ces pierres humaines authentiquement vivantes qui ont su déjouer, au cours de leur existence, les pièges auxquels cèdent la plupart des êtres : l’enfermement dans un rôle, les honneurs qui tuent à petit feu, le sérieux qui délave les enthousiasmes, les cynismes qui désenchantent.

Quel bonheur dans une vie quand on rencontre de tels êtres, phares malgré eux. On converse, des portes fermées – depuis combien de temps ? – se rouvrent, on trouve avec eux, soudain, le plain-pied qu’on cherchait obscurément et l’on se dit que l’humanité existe bel et bien. Elle cesse, un instant, d’être la chimère au regard qui fuit.

On se le jure,…

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Auteur: Emmanuel Godo