Payer le mal à tempérament (sur Sade et Fourier)

Simone Debout, née Devouassoux en mai 1919 à Paris, avait choisi ce pseudo pendant la Résistance. Elle le porta fièrement jusqu’à sa mort en 2020, toujours à Paris. Oui, à 101 ans. Qui en douterait pourra toujours aller la voir ou l’entendre dans des entretiens consacrés à Charles Fourier dont elle fut l’impeccable exégète et, en quelque sorte, la porte-parole, puisqu’elle exhuma des manuscrits avant elle inédits du « rêveur sublime », entretiens datant respectivement de 2017 (elle n’avait alors « que » 98 ans) sur France Culture et de 2019 (100 tout rond) avec Mediapart et que l’on trouve facilement sur la Toile.

Les éditions Quiero publient ces jours-ci un texte « débusqué » par Emmanuel Loi dans un numéro de 1981 de la revue Topique, lequel, dixit la présentation de ce dernier, ouvre « une sacrée brèche dans la tectonique du joug ». Il est vrai qu’avec Sade et Fourier, nous avons affaire à deux rebelles irréductibles, c’est peu de le dire. Ce que nous apprend ici Simone Debout, comme Annie Le Brun le dit à partir, elle, de son étude de Sade, c’est que tous deux mettent cul par-dessus tête et la religion et la philosophie des Lumières qui prétendait s’en être émancipée. Chacun à leur façon, ils attaquent la Raison comme hypostase du divin et, à l’instar des révolutionnaires français démontant la Bastille après l’avoir investie, en font table rase sans aucun état d’âme : 

« Entre les deux systèmes contraires paraît ce qui déborde et récuse tous les systèmes, parce que c’est à quoi ils tendaient, ce qu’ils impliquaient l’un et l’autre. En effet, dans leurs tentatives passionnées pour justifier ou condamner, pousser à l’extrême ou rédimer le mal, les iniquités et l’asymétrie sociale, Sade et Fourier ne s’étayent pas de la seule raison des mots ou des choses, mais de l’irrationnel fondamental. Ils dévoilent le sous-sol affectif des formes et leur violence scande, par là même, une critique radicale : ils ruinent toute transcendance divine ou idéale […] » (p. 26) Bien sûr, ils seront chacun attaqués pour leurs « excès indus, [leur] dogmatisme », en sorte d’« ignorer leurs doubles puissances opposées, pareillement irrecevables, les ferments d’un nihilisme sans appel [Sade] ou d’un autre avenir [Fourier] » (p. 26).

« Contemporains de la Révolution, dix ans avant [Sade], dix ans après [Fourier] » (p. 25), tous deux « achèvent » (au double sens du terme), la philosophie des Lumières, laquelle…

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Auteur: lundimatin