« Paysan, je refuse la Légion d'honneur car l'État piétine notre métier »

Patrick Bougeard, agriculteur à la retraite, est sociétaire et membre du conseil de surveillance de l’Atelier paysan et a été président de l’association nationale Solidarité paysans pendant cinq ans. Il a été nommé au grade de chevalier dans l’ordre national de la Légion d’honneur fin 2021.


Reporterre — Pourquoi avoir refusé la Légion d’honneur dont vous a décoré le ministère de l’Agriculture ?

Patrick Bougeard — J’ai du mal avec le fait d’être honoré individuellement alors que tous mes engagements l’ont toujours été au sein d’organisations, que ce soit au mouvement des Paysans-travailleurs ou à la Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans (CNSTP), où les actions ont été conduites collectivement.

Dans une lettre, le ministère de l’Agriculture dit reconnaître mon engagement au service de l’intérêt général. Je trouve malhonnête de la part de l’État de justifier ainsi l’octroi d’une médaille alors qu’il piétine les structures dans lesquelles je suis intervenu et qui sont porteuses de l’intérêt général.

En effet, quelques jours plus tôt, les organisations de promotion et de développement de l’agroécologie en France, dont Solidarité paysans et l’Atelier paysan font partie, venaient de recevoir leurs financements du ministère de l’Agriculture. Sur onze structures, trois seulement avaient bénéficié d’une petite augmentation. 97 % des dotations avaient été affectées à ce que nous appelons le complexe agro-industriel, ce système permettant les superprofits de la filière agro-alimentaire — chambres d’agriculture, syndicalisme majoritaire, etc.

Pour obtenir ces dotations, les organisations doivent désormais signer une convention d’engagement citoyen et respecter un certain nombre de règles – par exemple, ne pas troubler l’ordre public. Ces engagements contraignent leur fonctionnement et peuvent annihiler leur capacité de lancer l’alerte.

Dans ce contexte de défis environnementaux majeurs, de changement climatique, de baisse de la biodiversité, de paupérisation d’une partie de la population et d’augmentation du recours à l’aide alimentaire, et alors qu’il avait la possibilité de faire un signe en faveur de l’agroécologie, l’État a donc pérennisé et conforté le pôle agro-industriel.

Dans votre lettre de refus, vous mentionnez aussi le plan gouvernemental pour « la prévention du mal-être et l’accompagnement des agriculteurs en difficulté » qui, selon vous, ne permettra pas d’enrayer la vague…

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Auteur: Émilie Massemin (Reporterre) Reporterre