« Peer Community In », un système alternatif de publication scientifique

En 2017, trois chercheurs d’INRAE (Institut National de Recherche pour l’Agriculture, l’Alimentation et l’Environnement), Denis Bourguet, Benoit Facon et Thomas Guillemaud, fondent Peer Community In, un service de recommandation de preprints (le preprint ou prépublication est une version d’un article qu’un scientifique soumet à un comité de lecture) basé sur des évaluations par les pairs. Les articles validés ainsi que les évaluations et les données, codes et scripts afférents sont déposés en libre accès. PCI ouvre la voie à une réappropriation par les chercheurs de leur système d’évaluation et de publication et une plus grande transparence dans la chaîne de production des savoirs.

Naissance du projet

L’idée du projet a germé en 2016 suite à la prise de conscience des dérives du système de publication scientifique qui présente notamment deux problèmes importants : la majeure partie des publications ne sont pas libres d’accès et les frais de publication et d’abonnement sont extrêmement onéreux pour les institutions.

En effet, même en France où le mouvement pour la science ouverte s’est accéléré ces dernières années, la moitié des publications restent protégées par des droits d’accès. Elles ne sont donc pas librement accessibles pour les citoyens, les journalistes et tous les scientifiques qui dépendent d’institutions qui n’ont pas les moyens de s’abonner aux revues scientifiques. Cette entrave à la libre circulation de l’information scientifique est un frein à la circulation et au partage des connaissances scientifiques et des idées.

Par ailleurs, au niveau mondial, le chiffre d’affaires de l’industrie de publication d’articles scientifiques en science, technique et médecine est d’environ 10 milliards de dollars US pour 3 millions d’articles publiés. C’est considérable, d’autant plus que les marges bénéficiaires réalisées par les grandes maisons d’édition atteignent, en moyenne, 35 à 40 % ces dernières années. Ayant pris connaissance de ces coûts et de ces marges, les fondateurs de PCI ont souhaité offrir aux scientifiques et aux institutions les moyens de se réapproprier le système de publication. Ainsi est née, en 2017, l’initiative Peer Community In (PCI).

Auto-organisation des communautés scientifiques

PCI organise des communautés de scientifiques qui évaluent et valident publiquement des preprints dans leur champs thématiques. L’évaluation se déroule comme dans des revues scientifiques classiques. Sur la base d’une évaluation par les pairs (peer review), les éditrices et éditeurs (dénommés « recommenders ») qui se chargent de l’évaluation d’un preprint soumis à une PCI décident, après un ou plusieurs séries d’évaluation, de rejeter ou d’accepter l’article. En cas d’acceptation, et à la différence de pratiquement toutes les revues traditionnelles, l’éditrice ou l’éditeur rédige un texte de recommandation, expliquant le contexte et les qualités de l’article.

Ce texte de recommandation, ainsi que tout le processus éditorial (reviews, décisions éditoriales, réponses des autrices et auteurs…), est publié sur le site de la PCI qui a organisé l’évaluation du preprint. Cette transparence est là aussi assez unique dans le système de publication actuel.

La version finale, validée et recommandée de l’article, est quant à elle déposée sans frais par les autrices et auteurs sur le serveur de preprint ou sur l’archive ouverte. Les articles validés, déposés sur les serveurs de preprints ou dans les archives ouvertes sont libres d’accès : tout le monde peut les lire.

Une révolution dans la production scientifique

PCI rend inutile la publication dans un journal. La version finale et recommandée du preprint, de facto validée par les pairs, peut en effet être citée dans la littérature. Les preprints recommandés par PCI sont d’ailleurs reconnus, notamment en France, par plusieurs institutions et comités d’évaluation et de recrutement au CNRS. En Europe, les preprints reviewés sont reconnus par la commission européenne, et plusieurs agences nationales de financement comme le Wellcome Trust, La fondation Bill et Melinda Gates, etc.

L’autre originalité de PCI est qu’il permet de séparer l’évaluation par les pairs de la publication. La validation/recommandation d’un preprint par PCI n’empêche pas…

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Auteur: Denis Bourguet, Directeur de recherches, Inrae