Penser l’exil, ou la nécessaire histoire de l’anarchisme

À propos de Constance Bantman, Un premier exil libertaire. Les anarchistes français à Londres, 1880-1914, Montreuil, Libertalia, 2024, 354 p.

Constance Bantman, historienne de l’anarchisme transnational, nous livre une version française de son travail de thèse, soutenu en 2007 et publié en anglais en 2013 (Liverpool University Press). Les éditions Libertalia ont été bien avisées d’ajouter à leur collection d’études historiques ce travail riche et dense sur les anarchistes exilé·es à Londres entre 1880 et 1914. Plus que la biographie collective d’un groupe militant, l’ouvrage propose une analyse de l’exil en tant qu’expérience sociale et politique, qui transforme les individus et la société qui les accueille. Pour cette raison, le livre de Bantman ne nous informe pas seulement sur la communauté anarchiste francophone de Londres, mais nous parle plus largement de l’histoire de l’anarchisme de la période, de ses évolutions, ses tensions et ses bifurcations. Elle nous offre aussi une lecture de l’histoire politique de la Grande-Bretagne : on y trouve le récit du « Socialist Revival » et des difficultés dans la formation d’un courant socialiste et syndicaliste anglais, ou l’analyse des aménagements de la tradition libérale face aux enjeux policiers et diplomatiques de la surveillance des opposant·es. À travers ce qui apparaît d’abord comme une « petite histoire » (celle d’un groupe d’environ 450 anarchistes français vivant en Grande-Bretagne, dont une soixantaine de militant·es actif·ves), Constance Bantman nous montre une nouvelle fois l’importance – toujours sous-estimée – de faire l’histoire de l’anarchisme pour mieux comprendre l’histoire contemporaine.

L’idée centrale de Bantman est d’analyser l’exil, et les sociabilités qu’il rend possible, comme un tournant dans l’histoire de l’anarchisme. Après avoir retracé à grands traits les conditions –…

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Auteur: redaction