Pesticides : le « tour de passe-passe » pour rendre l'eau potable

C’est l’histoire d’un polluant, l’ESA-métolachlore, qui disparaît subitement des eaux. Depuis le 1er avril 2021, ce métabolite issu de la dégradation du S-métolachlore – herbicide très largement épandu dans les cultures – est recherché systématiquement dans les analyses de qualité de l’eau. Et quand on cherche, on trouve. Sur les 16 845 prélèvements d’eau potable réalisés en France entre le 1er janvier 2022 et le 31 août 2022, 2 791 – soit près de 17 % – affichaient un taux d’ESA-métolachlore supérieur à 0,1 microgramme/litre (µg/L), la limite de qualité. Des taux fâcheux pour les industriels des pesticides — et pour l’État. L’un d’eux a donc livré de nouvelles études menant à ce que les agences gouvernementales revoient à la baisse la dangerosité de la molécule. « Un remarquable tour de passe-passe », selon Générations futures qui dénonce « une méthode d’évaluation qui ignore le principe de précaution ».

Dès fin 2021, Syngenta, l’un des fabricants du S-métolachlore, a soumis de nouvelles études à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). « La réglementation prévoit que c’est aux industriels d’apporter les preuves de l’innocuité de leurs produits », précise Éléonore Ney, cheffe de l’unité d’évaluation des risques liés à l’eau à l’Anses. « Jusque là, nous n’avions pas suffisamment de données sur le potentiel génotoxique de ce métabolite, les études fournies étaient anciennes et n’avaient pas été réalisées selon les normes actuelles. Nos experts ne pouvaient pas se prononcer. Dès lors l’ESA-métolachlore était classé comme molécule pertinente. » Concrètement, cela signifiait qu’au-dessus de 0,1 µg/L, l’eau était considérée comme non potable.

Après examen critique des nouvelles données fournies par Syngenta, l’agence publie un nouvel avis : elle décide de classer l’ESA-métolachlore de substance « pertinente » à substance « non pertinente » (même chose pour le métabolite NOA-métolachlore). Autrement dit, la limite de qualité est relevée à 0,9 µg/L. Ainsi, si on appliquait ce nouveau seuil sur les mêmes 16 845 prélèvements, il n’en resterait que 66 avec des taux non conformes.

La molécule mère classée comme « cancérigène suspecté »

Les effets sont particulièrement visibles dans les départements qui affichaient les plus forts taux de contamination. « Ce nouveau classement rend caduque une grande partie des non-conformités de l’eau du robinet…

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Auteur: Fabienne Loiseau Reporterre