Pesticides : pourquoi le Conseil d'État défend-il l'agriculture industrielle ?

Clément Rouillier est maître de conférences en droit public
 au Laboratoire interdisciplinaire de recherche en innovations sociétales (LiRIS), université de Rennes 2.


Ces dernières années, de nombreux maires se sont saisis des outils juridiques à leur disposition pour interdire (ou réglementer) l’utilisation des pesticides sur leur commune. Daniel Cueff, maire de Langouët, près de Rennes, est ainsi devenu une figure médiatique des luttes locales contre ce symbole des dérives de l’agro-industrie, accusé de saccage sanitaire, environnemental et social.

Cette situation a donné lieu à un contentieux juridictionnel devant la justice administrative, qui a récemment trouvé sa conclusion : le 31 décembre 2020, le Conseil d’État a en effet rendu une décision très favorable aux pesticides, en stipulant que les décisions des maires tentant de réguler ces produits sont par principe illégales et doivent être annulées en cas de recours juridictionnel.

L’arbitre de la jurisprudence

Le Conseil d’État est la juridiction administrative suprême, chargée notamment de juger les décisions des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, et d’uniformiser leur jurisprudence lorsqu’elle varie sur le territoire. Contrairement à une idée communément répandue, l’application du droit n’est pas une tâche strictement mécanique. Elle implique d’arbitrer entre des interprétations du droit, certes différentes, mais toutes juridiquement possibles.

Or, sur le sujet des pesticides, il existait justement des interprétations différentes entre juridictions. Juridiquement, la question consistait à déterminer qui, de l’État ou du maire, devait être compétent pour réglementer l’utilisation des pesticides. Il existe une réglementation nationale sur les distances de sécurité à respecter entre les parcelles traitées et les zones d’habitation : un arrêté ministériel du 27 décembre 2019 prévoit ainsi des distances de 5 à 20 mètres selon les cultures et les zones. Mais, en dépit de cette réglementation nationale, certains tribunaux administratifs ont considéré que les maires pouvaient instaurer des distances supérieures, voire interdire purement et simplement les pesticides sur leur territoire, en raison d’un risque réel et immédiat pour la santé et l’environnement.

Lorsque le Conseil d’État a rendu sa décision, le 31 décembre dernier, il existait donc plusieurs alternatives, toutes juridiquement possibles. Le Conseil d’État avait la possibilité de rendre une…

La suite est à lire sur: reporterre.net
Auteur: Reporterre