Petits plagiats deviendront grands : le macronisme ou l'horreur par le vide

Ses petits plagiats pourraient n’avoir l’air de rien, de mauvaises blagues dont on avait pris l’habitude. Mais quand Emmanuel Macron s’approprie un slogan du Nouveau Parti Anticapitaliste (« Nos vies valent plus que leurs profits »), quand il cite Jaurès ou quand il défend maintenant lui-même, sans ciller, l’idée que « le front républicain n’existe pas » – il remontre sans fard le visage bien net qu’il avait déjà montré comme candidat en 2017 : celui d’un politicien non seulement sans honneur, sans décence et sans humilité, mais aliéné par le cynisme et une relation tordue aux mots et à leur sens, même les plus graves. Il remet à nu les mécanismes profonds d’un rapport au langage, à la pensée et au pouvoir, qui auraient dû disqualifier sa posture aux yeux de tous les êtres parlants dès ses premiers discours de campagne il y a cinq ans.

Ce n’était pas faute d’avoir annoncé la couleur. Le 1er mai 2017, en meeting entre les deux tours des présidentielles, le candidat Macron avait raconté cette anecdote édifiante :

« À Nanterre, un étudiant avait renversé une poubelle sur la tête de Paul Ricoeur qui était alors président de l’Université. L’étudiant avait eu une phrase caractéristique de 1968, il lui avait dit : “Mais d’où me parlez-vous ? D’où vient votre autorité ?”. Ricoeur avait eu une phrase admirable que je n’ai jamais oubliée tant elle lui ressemble ; il lui avait dit : “mon autorité vient de ce que j’ai lu plus de livres”. »

Donc c’était dit. Dans cette histoire, la seule chose qui est plus ridicule que la réponse de Ricœur est le fait de s’en revendiquer. Peu importe d’ailleurs l’authenticité de l’épisode, peu importe qu’il s’agisse de Ricœur ou d’un personnage allégorique, ce qui compte, c’est la grotesque généalogie de l’autorité dressée par le récit qui en est fait. Ici le président de l’Université n’est pas seulement montré dans une posture bouffonne, drapé dans une légitimation paternaliste de son autorité assez mal à propos compte tenu du contexte. Il renvoie aussi franchement l’image du petit professeur fat, hissé sur un savoir quantitatif, qui a bien empilé les livres lus comme les points de son crédit social. Et qui les a empilé dans quel but ? Dresser un mur entre lui et le lieu d’un dialogue où se joueraient justement les vrais enjeux de la connaissance : ceux qui sont risqués, parce qu’ils remettent toujours à plat les illusions d’une autorité préalable qu’on…

La suite est à lire sur: lundi.am
Auteur: lundimatin