Peut-on décemment en avoir plein le cul des récits de transfuges de classe ?

En librairie habituellement, la présence d’une BD de Fabcaro (j’aime l’humour) ou d’un livre sur les transfuges de classe suffit à me faire dégainer la carte bleue. Unique point commun entre les deux ouvrages : un rythme de parution dément. Pour Le Monde, c’est carrément le « phénomène de la rentrée littéraire » : Changer : méthode d’Edouard Louis, Illégitimes de Nesrine Slaoui, Reste à ta place de Sébastien le Fol… J’en ai claqué de la moula, jusqu’à ce que la simple vision du mot transfuge sur un bandeau rouge me file une crise d’urticaire carabinée. Après m’être pourtant si longtemps identifié à ces récits à la formule rodée, me suis-je lassé de ce qui ressemble à une tendance éditoriale ? Tentative d’explications.

Le récit de transfuge commence toujours par une origin story réalisée par les frères Dardenne. Derrière un voile de pudeur vite tiré par l’auteur·ice, on découvre la modestie d’un milieu, l’indigence du quotidien, la difficulté à grandir en une France que Christophe Guilluy qualifierait de périphérique (le géographe, pas la chaîne pour enfants). Parfois, en option, un arc narratif parallèle permet d’assister au délitement de la famille nucléaire.

À noter que dans cette première partie, la honte n’est pas encore là, car le futur transfuge évolue encore dans un scandaleux entre-soi de classe populaire dont les médias ne parlent pas assez. 

La honte n’apparaît que comme un sous-produit du décalage abordé en seconde partie. Celle sur les bonnes dispositions scolaires. Par la valeur de son travail, par l’excellence de ses notes, se creuse à l’insu du transfuge un fossé avec ses petits camarades. Il se met à rêver d’un ailleurs ; pas eux. Année après année, il lui devient difficile de parler à ses amis d’enfance qui spoiler alert resteront au village/quartier après son départ. Car le transfuge est en sursis.

 Une rencontre décisive sonne alors le glas de l’ancienne vie. La main tendue par un adulte bienveillant chamboule son destin à jamais. Presque toujours un homme du corps enseignant, un Louis Germain ou un Didier Eribon, un second père que Nietzsche intimait de se faire si on n’en a pas eu un bon. D’un coup de baguette magique, la bonne fée propulse le transfuge vers sa véritable place : Paris.

La montée ou descente à Paris, selon la latitude du transfuge par essence provincial, sacre ses efforts. Il y intègre une grande école suite à la réussite d’un concours ou grâce à un dispositif d’accès parallèle

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Auteur: Rédaction Frustration Mag