On peut difficilement boire du vin sans en parler. Certains en font même leur métier : sommeliers et cavistes, critiques et œnologues ne pourraient exercer sans l’horizon de langage qui est celui de leurs compétences de dégustateurs. Sentir le vin tapissant les papilles et conduits olfactifs paraît un acte physiologique. Mais parler du vin est une activité sociale. Comment fait-on pour passer de la perception au discours ? Et quel rôle joue le langage dans la perception elle-même ?
La perception est une donnée qui paraît « naturelle », c’est-à-dire inscrite dans la sensation physique, mais elle s’articule à des interactions sociales. Le discours du vin est donc nécessairement multiple et s’appuie sur des intentions énonciatives. Dire « ce jus grenat s’étire sur une trame intense et concentrée » ou bien « il est costaud, ton rouquin dis-donc » ne correspond pas au même genre de discours mais cela peut décrire exactement le même vin et la même propriété gustative. Entre les deux énoncés, c’est l’intention de sens, le registre et la textualité même qui diffèrent, pas le vin…
En réalité, le goût du vin dépend peut-être moins de ses propriétés organoleptiques que des contextes discursifs qui lui donnent sens. Selon le point de vue – chimiste ou neurologue, critique gastronomique ou simple buveur – on n’a tout simplement pas les mêmes choses à dire du vin. Or, la particularité du domaine du vin est qu’il a construit dans la langue un vocabulaire particulier, entre technique et poésie, alimentation et esthétique, et que sa transmission relève d’une dimension culturelle qui dépasse la sensorialité individuelle.
Nommer les couleurs du vin
Il en va ainsi de la dimension visuelle du vin, qui s’organise sur le fond lexical de la langue. En effet, le vin « blanc » n’est pas de la couleur du lait et le vin « rouge » ne ressemble pas à une Ferrari. C’est que la…
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Auteur: Jean Szlamowicz, Professeur des universités, linguiste, traducteur, Université de Bourgogne – UBFC