« Plus vous êtes dominant, moins vous êtes responsable » — Édouard LOUIS

Avant de prendre son train le ramenant à Paris, Édouard Louis nous accorde un entretien rare dans un café populaire au bord de la gare du Midi. Un lieu où l’écrivain français se sent à l’aise. Car il n’a jamais rompu avec sa classe sociale. Au contraire même.Des livres traduits dans une trentaine de langues, qui se vendent par centaines de milliers. Édouard Louis pourrait se prendre au jeu. Mais le jeune (28 ans) écrivain est d’une humilité, d’une franchise et d’une gentillesse réellement désarmantes. La douceur de la voix et du ton tranche avec la radicalité du propos quand il défend sa classe, celle des travailleurs. Oui, Édouard Louis est en colère. Mais même la colère peut être belle quand elle est bien écrite.

Pour lui, un écrivain engagé doit aller sur le terrain (engagé dès ses 16 ans au Conseil national de la vie lycéenne, il a participé ensuite au mouvement des cheminots contre la privatisation de la SNCF en 2018, il est présent contre la réforme des retraites…). Et s’il est régulièrement invité dans des milieux bourgeois, il n’a pas peur de se faire « récupérer »… « J’ai écrit mon livre dans mon coin. J’ai envoyé un jour par la poste mon premier livre. Je ne connaissais personne. Je suis allé imprimer mon livre dans un copy-center. J’ai emprunté 30 euros à des amis pour pouvoir imprimer quatre fois mon manuscrit. Je l’ai envoyé à des éditeurs et j’ai été publié. Je ne dois rien à la bourgeoisie. »

Qu’est-ce qui vous a donné le goût de l’engagement ?

Édouard Louis. Dans mon enfance, je savais que la politique était quelque chose d’important. J’ai d’abord eu des souvenirs intimes de la politique et pas des souvenirs politiques de la politique. Quand, en France, il y a eu une réforme qui consistait à conditionner le système des aides sociales, où il fallait montrer qu’on travaillait et montrer qu’on méritait cette allocation minimale, je me souviens que, tout à coup, l’administration téléphonait ou envoyait des lettres à mon père : « Vous devez prouver que vous avez cherché du travail si vous voulez continuer à toucher vos allocations. Vous devrez montrer que vous n’êtes pas à la maison. » À l’époque, je ne savais pas ce qu’était un parti, une réforme, etc. mais je voyais que quelqu’un avait pris une décision politique et que tout à coup dans la chair de mon père, dans le corps de mon père, quelque chose avait brutalement changé.

Et donc, très vite, j’ai eu une forme de conscience de la politique qui,…

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Auteur: Édouard LOUIS Le grand soir