Certains titres nécessitent de préciser d’emblée les termes, quelque peu chargés, qu’ils invoquent. Parler de politique de l’expérimentation sonore au singulier ne revient pas à essentialiser une quelconque forme de politique, pas plus que d’expérimentation. Il s’agirait plutôt de saisir une dynamique, un mode d’agir spécifique, à savoir le processus par lequel l’expérimentation sonore est susceptible d’advenir comme pratique critique (au sens de ce qui manifeste une crise). Cette dynamique ne se définit pas par les éventuelles revendications politiques dont peuvent s’entourer les pratiques sonores, ni même par le contexte sociopolitique dont elles dépendent nécessairement. Elle se manifesterait plutôt lorsque s’opère un point de contact, ou d’indifférence, entre le mouvement de l’expérimentation sonore et celui de la politique. Il s’agit en l’occurrence d’un mouvement tout à fait singulier, puisque celui-ci serait de l’ordre d’une interruption. Non pas une accélération créée par la synergie de la rencontre des deux mouvements, ni une bifurcation produite par leur mise en tension, ni même un retour sous forme de rétroaction, mais la mise à l’arrêt d’une continuité.
Que la politique se manifeste comme interruption est quelque chose qui a été largement thématisé par la philosophie politique, du moins critique, de ces dernières décennies. Si ses enjeux peuvent varier selon les théoriciens qui la convoquent, l’interruption intervient à chaque fois comme une rupture dans l’ordre institué des choses, remettant en cause la légitimité des relations de pouvoir qui l’animent et l’autorisent à perdurer, via diverses stratégies de naturalisation. Elle se présente par exemple chez Giorgio Agamben comme une violence qui défait le pouvoir constitué sans pour autant reconduire un nouveau pouvoir constituant. Chez Jacques Rancière, l’interruption trouve son origine dans le traitement d’un litige. Elle se situe à l’endroit des effets de la domination et du partage du sensible en vigueur qui les conditionne, dont elle redistribue les parts et les fonctions au sein d’une communauté, mais surtout au regard de ce que cette dernière exclut :
« […] il n’y a de politique que par l’interruption, la torsion première qui institue la politique comme le déploiement d’un tort ou d’un litige fondamental. »
Ainsi, quelle que soit l’ampleur du conflit en question – à l’échelle d’un pays ou plus localement lors d’une occupation –,…
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Auteur: lundimatin