« Pour empêcher la spéculation, il faut faire des stocks alimentaires publics »

Morgan Ody est paysanne dans le Morbihan en Bretagne et membre de la Confédération Paysanne qui fait partie de la Via Campesina. Ce mouvement paysan mondial regroupe 180 organismes partout dans le monde et comprend plus de 200 millions de paysans et ouvriers agricoles. Morgan, coordinatrice générale du mouvement, nous explique dans cet entretien pourquoi il est primordial de reconstituer des stocks publics et soutenir la création de réserves alimentaires au niveau communautaire avec des produits locaux issus de pratiques agroécologiques.

LR&LP : On assiste en ce moment à une hausse des prix des denrées alimentaires ainsi qu’à une hausse de la faim dans le monde, comment expliquez-vous cette situation ?

Morgan Ody : On voit surtout sur les marchés internationaux une très forte instabilité des prix des marchandises agricoles qui s’expliquent par des mouvements de spéculation où les marchandises agricoles sont utilisées comme des produits de trading avec lesquels les spéculateurs spéculent à la hausse ou à la baisse.

Après le début de la guerre en Ukraine, un discours de la peur sur de possibles pénuries a créé une très forte pression à la hausse sur les prix des principales marchandises que ce soit le blé, soja ou maïs, avec 400 dollars la tonne sur le blé, qui a rebaissé ensuite très fortement.

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Les denrées alimentaires sont devenues des produits de trading car petit à petit on a autorisé de l’activité de trading et de spéculation sur les produits alimentaires. Auparavant, il était interdit d’acheter sans vraiment acheter. Les acheteurs avaient des silos avec une capacité de stockage et passaient commande à des céréaliers. Aujourd’hui, l’essentiel des transactions sont opérées par des gens qui n’ont absolument pas les moyens de stocker ces marchandises. Eux, ils achètent un produit financier pour le revendre, ces transactions sont purement virtuelles.

Le grand mouvement de libéralisation financière dans les années 80 et 90 a permis de déréguler les « Marchés A Terme » en permettant d’acheter une récolte avant qu’elle n’existe réellement. C’était soi-disant une façon de sécuriser le prix de la récolte, car les agriculteurs seraient sûrs du prix de vente de leur récolte à la tonne, mais cela a entraîné énormément de spéculation sur les Marchés A Terme et tous les marchés dérivés (d’assurance des récoltes etc.) qui sont ensuite…

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Auteur: Laurie Debove