Pour en finir avec l'art

En partant du crypto-art et de la vente d’une oeuvre numérique début mars à près de 70 millions de dollars, Tristan Hainaut, file une réflexion contre l’art et pour la création. En s’appuyant et en dépassant des théoriciens comme H. S. Becker, N. Goodman ou A. Gell, il montre que l’art ne s’explique que par son monde.

Illustration : Bernard Chevalier

La nouvelle trouvaille du monde de l’art est le NFT. L’anagramme proclame la domination technocratique avant d’introduire le moindre sens. « Non Fungible Token » : une crypto-monnaie, du type bitcoin, dont la particularité est que chaque jeton (« token ») est rendu unique (« non fungible ») par un système cryptographique « inviolable » (avis aux hackers). Bref, un certificat d’authenticité. Nouvelle trouvaille ? Pas vraiment : cette manière de faire croire à du nouveau n’est qu’un artifice pour susciter l’émulation. Et le marché, en effet, s’emballe.
Rappelons les faits : une œuvre numérique a été vendue 69,3 millions de dollars chez Christie’s le 11 mars 2021. Tandis que les réactionnaires crieront au sacrilège, d’autres cogiteront à vide sur la notion éculée d’« authenticité ». L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique a depuis longtemps digéré la mort de l’aura, lui substituant un « statut ».
Que met à nu alors la vente de chez Christie’s ? Pas tant que « l’art contemporain », c’est définitivement déplorable, ou que nous sommes obsédés par « l’authenticité », ou qu’il y a de rudes « salauds » (au sens sartrien du terme), non, ce que met à nu cette vente, c’est que l’art est à la fois un produit et une arme des pouvoirs coercitifs.
Pourquoi ? Qu’est-ce que l’art ? La question peut sembler formidable, tant on croule sous des « critiques de la faculté de juger », sous des « esthétiques », sous des « transcendances de l’art » et d’autres idéalismes plus ou moins mignons. Pourtant il existe une réponse simple, sèche, décevante sans doute car si peu magique et si terre-à-terre qu’on voudrait lui rajouter un peu de « sublime », un peu d’« absolu », un peu de métaphysique. Mais non : est « art » ce qui a été reconnu par le monde de l’art. Et qu’est-ce que « le monde de l’art » : un ensemble d’individus légitimés au sein de leur groupe, c’est-à-dire une « institution ».
L’art est – a toujours été – une arme de coercition. Sans doute, il est temps d’en finir avec le mythe de…

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Auteur: stage