« Pour éradiquer la pauvreté, il faut donner de l’argent aux pauvres »

Denis Colombi est sociologue et professeur en sciences économiques et sociales au lycée. Il est l’auteur du blog Une heure de peine et du livre Où va l’argent des pauvres (éd. Payot, 2020), dans lesquels il déconstruit le regard moralisateur des classes moyennes ou aisées sur les dépenses des classes pauvres. Il démontre que ceux-ci gèrent l’argent dont ils disposent de façon rationnelle.


Reporterre — D’où vous est venue l’envie de travailler sur l’argent des pauvres ?

Denis Colombi — En 2015, le conseil départemental des Bouches-du-Rhône a décidé de verser sa prime de Noël aux bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) sous forme de bons d’achats pour des jouets, « car la prime n’était pas forcément utilisée pour l’enfant ». C’est un discours politique très répandu : les pauvres détournent les aides de leur destination officielle, et les pauvres sont pauvres parce qu’ils gèrent mal leur argent.

Ça m’a irrité, parce que derrière ces fantasmes politiques sur les pauvres et leur gestion de l’argent, les réalités sociologiques disent bien autre chose. Beaucoup de gens parlent des pauvres sans les connaître. Qui fait l’effort d’aller sur le terrain, d’étudier les choses finement ? Des journalistes, des travailleurs sociaux… Et des sociologues. On n’entend pas beaucoup parler de leurs travaux. En tant qu’enseignant au lycée, je voulais donner à voir la réalité qu’ils enregistrent et la diffuser à un public plus large. Mon ouvrage, Où va l’argent des pauvres ?, se veut une défense, en actes, de l’utilité de la sociologie.Le livre commence par évoquer les personnes sans-abri. Dans la rue, dans les transports, elles sont parfois jugés « suspectes ». Pourquoi ?

Le sans domicile fixe représente la figure la plus familière qu’on a de la pauvreté. Celle qu’on croise la plus fréquemment et qu’on s’efforce de ne pas regarder en face. On nourrit…

Auteur: Alexandre-Reza Kokabi (Reporterre) Reporterre
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