Pour faire des voitures électriques, le Canada laisse détruire des tourbières

Montréal (Canada), correspondance

La neige fond autour du lac aux Castors, sur un des flancs du Mont-Royal, à Montréal. Quelques audacieux ont déjà sorti les shorts et pourtant, tout le monde sait bien que la neige retombera la semaine qui suit. Pour parler tourbières, Michelle Garneau, qui y a dédié sa carrière, nous a donné rendez-vous à la patinoire du lac, un lieu au charme indéniable. « Cet endroit, c’est un désastre écologique, je voulais que vous le voyiez », lance la chercheuse.

Il y a bien longtemps, ce lac, bétonné depuis 1938, était une tourbière. Celle-ci a été vidée au XXe siècle afin de créer un bassin artificiel en béton, passant à la moulinette la biodiversité. Les castors ne sont plus là depuis des années, « mais des espèces indigènes et des grenouilles, il y en avait encore il n’y a pas si longtemps », raconte la chercheuse. « En 2013, il y a eu une grande réflexion, une bataille entre les architectes et les botanistes. Les seconds avaient l’idée d’aménager le tout pour faire revenir les animaux. Ils voulaient enlever le béton, ramener un peu de naturel là-dedans. Mais c’est le béton qui a gagné. » Pour elle, cette victoire de l’artificiel sur la nature est un symbole du peu de cas que les pouvoirs publics font des milieux humides, et plus particulièrement des tourbières : « Ce sont des grandes mal-aimées. La forêt est plus populaire, les tourbières sont vues comme nauséabondes, pleines de moustiques. Ce n’est pas souvent le cas, et leur valeur écologique est inestimable. » Le Canada en protège une infime partie, alors qu’il compte plus d’un quart des tourbières de la planète — l’une d’elles est plus grande que l’Italie : le complexe de tourbières des Hudson Bay Lowlands, dans le nord de l’Ontario, occupe 320 000 km2.

« Les tourbières sont mal-aimées », déplore la chercheuse Michelle Garneau. © Alexis Gacon/Reporterre

Un coffre-fort à CO2

Les tourbières sont des couteaux suisses climatiques : « Des grands réservoirs d’eau et de matière organique qui dépolluent les sols, en filtrant l’azote », explique Michelle Garneau. Elles peuvent aussi freiner les inondations en absorbant une part du surplus d’eau, et empêcher des feux de forêt. « C’est surtout leur rôle de séquestration du carbone qu’on a appris à connaître ces derniers temps, détaille-t-elle. Rien qu’au Québec, il y aurait dix milliards de tonnes de carbone stockées dans les tourbières. » En Ontario, deuxième plus grande province après…

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Auteur: Alexis Gacon Reporterre