Pour le sociologue Serge Paugam, la solidarité entre les individus n’a pas disparu …

La vie en société place tout être humain dès sa naissance dans une relation d’interdépendance avec les autres. Chaque individu est inévitablement lié aux autres et à la société non seulement pour assurer sa protection face aux aléas de la vie, mais aussi pour satisfaire son besoin vital de reconnaissance, source de son identité et de son existence humaine. Pourtant, les sociétés modernes ne cessent de défendre les valeurs de l’individualisme, de revendiquer pour chacun le droit à l’autonomie, et, parfois même, au nom de l’idéologie néo-libérale, d’imposer le devoir de responsabilité vis-à-vis de soi-même, ce qui revient à récuser toute forme de dépendance à l’égard d’autrui et des institutions sociales. Cette contradiction apparente est au cœur de l’interrogation sociologique depuis que cette discipline existe. Durkheim formule en effet, en 1893, la question centrale de sa thèse de doctorat sur la division du travail (1), de la façon suivante : « Comment se fait-il que, tout en devenant plus autonome, l’individu dépende plus étroitement de la société ? »  En d’autres termes, une société composée d’individus de plus en plus différenciés et autonomes est-elle encore vraiment une société et, si oui, comment ? La question revient par conséquent à rechercher, en dépit de l’apparente autonomie qui nous caractérise, par quels liens sommes-nous attachés les uns aux autres et à la société. Telle est la problématique des recherches que je mène depuis plusieurs années au sein du Centre Maurice Halbwachs. Pour répondre à ces questions fondamentales, il s’agit de s’inscrire dans le prolongement des débats qu’elles ont suscités dans les sciences sociales et de réaliser des recherches fondées sur des enquêtes comparatives réalisées dans plusieurs pays et aires culturelles.

 Durkheim et l’attachement aux groupes

Durkheim remarque que les deux mouvements d’autonomie et de dépendance se poursuivent parallèlement et déclare, à la fin de la préface de la première édition de sa thèse : « Il nous a paru que ce qui résolvait cette apparente antinomie, c’est la transformation de la solidarité sociale, due au développement toujours plus considérable de la division du travail. » Ce projet le conduit à apporter des explications fondées sur l’analyse des conditions du changement social de longue durée, au sens du passage de la société traditionnelle à la société moderne. Pour en faire la démonstration, il distingue, on le sait, deux formes de…

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Auteur: Claude Morizur