« Pour l'école comme pour l'hôpital, la même logique est appliquée, et cela mène à des désastres »

Basta! : En quoi vos expériences, à la fois comme ingénieur de recherche et éditeur scolaire, ont-elles été utiles à votre critique de la politique scolaire actuelle ?

Philippe Champy

Ingénieur de recherche durant 15 ans à l’Institut national de recherches pédagogiques à Paris, il codirige avec Christiane Eteve le Dictionnaire encyclopédique de l’éducation et de la formation. Il devient ensuite éditeur de manuels scolaires chez Retz. Son prochain ouvrage Contre l’école injuste !, avec Roger-François Gauthier, spécialisé en politiques éducatives, sera publié en août.

© Carole Lozano

Philippe Champy : J’ai vécu les dernières années de mon travail d’éditeur scolaire sous la pression de plus en plus forte du ministère et d’un certain nombre de hauts décideurs, qui étaient de plus en plus négatifs vis-à-vis de la liberté pédagogique. Cette liberté pédagogique comporte trois aspects : liberté de création et d’édition des ressources pédagogiques, liberté de choix par les enseignants et liberté d’utilisation en classe. Les professionnels de terrain, bien que recrutés et formés – ce n’est pas du jobdating comme le font certaines académies – étaient de plus en plus mis en cause. 

Ce qui m’a frappé, c’est la méconnaissance de l’histoire du système éducatif – y compris chez les professionnels eux-mêmes. C’est une contradiction étonnante dans un lieu où on est censé transmettre le savoir. C’est important pourtant de connaître sa généalogie, de savoir de quoi on a hérité, d’où viennent les débats, les affrontements politiques, les grandes évolutions des pratiques, la manière de faire cours et d’évaluer les élèves … Dans le système actuel, on hérite de cela sans savoir d’où ça vient.

Dans les années 1880, arrivent les grandes lois républicaines : liberté d’expression, liberté d’association, liberté de la presse, de l’édition en général, et de l’édition scolaire en particulier. Contrairement aux périodes précédentes, il n’y a plus du tout d’autorisation préalable ou de veto avant de publier un manuel scolaire. J’ai essayé, dans mon ouvrage Vers une nouvelle guerre scolaire, de comprendre ce qu’a été la doctrine dominante pendant presque un siècle – la liberté pédagogique – et pourquoi elle est désormais mal vue, avec le soupçon d’être la cause de la « médiocrité » des résultats des élèves les plus faibles.

Aujourd’hui, quel constat dressez-vous au sujet de l’école ?

Le…

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Auteur: Emma Bougerol