Pour les livreurs de repas, le long chemin vers un revenu et des conditions de travail dignes

« Faut changer les freins, hein ! » Arthur Hay, livreur pour la coopérative des Coursiers bordelais, alpague un cycliste dans la rue. Il revient à la conversation : « Désolé. Il y a un type qui n’a pas de freins, il a failli se faire rentrer dedans par une voiture. C’est typique du matos de certaines plateformes, ça ! »

En décembre 2020, la plateforme de livraison à domicile Just Eat se félicitait d’avoir « livré l’équivalent de 26 terrains de football de pizzas ». Derrière ces chiffres astronomiques, il y a des livreurs et des livreuses qui servent plats et encas au bureau ou à domicile, dans des conditions de travail très précaires. Le leader de la livraison en France, Uber Eats, emploie environ 40 000 indépendants. Un autre mastodonte du marché, Deliveroo, revendique 14 000 coursiers.

« On n’a la main sur rien »

Souvent déclarés comme autoentrepreneur ou microentreprise, les livreurs sont payés à la course. « Pour certaines plateformes, on ne sait même pas comment le prix des courses est calculé, admet Arthur Hay. On n’a la main sur rien. » Paiement au kilomètre, à la prise en charge ou une fois le repas livré… Difficile d’estimer une rémunération à la course – sinon qu’elle est souvent inférieure à cinq euros. Beaucoup de travailleurs sont sur plusieurs plateformes à la fois, pour essayer de dégager un revenu viable. À cette incertitude, s’ajoute le danger que tout s’arrête du jour au lendemain : sans protection sociale, un accident ne sera pas ou peu couvert. « Ce sont plus des garanties « accident corporel » que des assurances adaptées à un travail dangereux », résume le livreur. Les coursiers n’ont pas d’arrêt maladie, pas de congés payés ni de chômage, et doivent payer leur propre matériel.

Une situation légitime selon les plateformes : elles se présentent comme de simples outils de mise en relation. Pourtant, un livreur ne choisit ni sa clientèle, ni ses courses, ni les tarifs de ses prestations. Depuis plusieurs années, la justice française donne raison aux coursiers indépendants face à Deliveroo, Uber Eats ou encore Foodora. En 2018, la Cour de cassation a condamné la plateforme Take it easy – désormais disparue – à requalifier le contrat de prestation d’un livreur en contrat de travail.

Plus récemment, en mars 2020, cette même Cour a réfuté le statut d’indépendant des chauffeurs d’Uber, motivant que pour « un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des…

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Auteur: Emma Bougerol